André Martin est décédé le 11 novembre 2020. Sa disparition est une grande perte pour la communauté de la physique théorique du monde entier et pour le CERN. Il fut l’un des pionniers de l'Organisation, qu'il a rejoint en 1959.
Né à Paris le 20 septembre 1929, André Martin a étudié à l'École Normale Supérieure (ENS) et à l'Université de Paris. Il réalisa sa thèse sous la direction de Maurice Lévy (du groupe Théorie de l'ENS), avec qui il resta ami tout au long de sa vie et partagea de nombreux projets.
Arrivé au CERN en qualité de boursier en 1959, il devient membre du personnel titulaire en 1964 et membre honoraire en 1994. Il travaillait encore quelques jours avant son admission à l'hôpital, où il est décédé des suites d'une pneumonie après une infection au coronavirus. Menant une vie cosmopolite et voyageant dans le monde entier, il avait des amis et collègues aux quatre coins de la planète. Il séjourna de longues périodes dans diverses institutions aux États-Unis, dont Princeton, Stony Brook, Seattle, Caltech, Los Alamos et Rockefeller, où il mena de nombreuses activités. André était fier d'avoir contribué au lancement de l'école de Cargèse et soutenu les centres d'Erice et des Houches.
Il reçut plusieurs récompenses. Il entra notamment à l'Académie des sciences, en France, en 1990, et reçut la Légion d'honneur en 1992, la médaille Gian-Carlo Wick en 2007 et le prix Pomerantchouk en 2010.
Il était marié à Alice-Anne Schubert (« Schu »), disparue en 2016, qui l'avait rencontré au CERN par l'intermédiaire de son ami Julius Wess. André et Alice-Anne formaient un couple formidable, qui menait une vie sociale et culturelle intense. C’était un plaisir que de profiter de leur hospitalité extraordinaire et de pouvoir apprécier leur immense culture dans les domaines de la littérature et des arts. Ils laissent derrière eux deux fils, Thierry et Philippe, et deux petits-enfants, Raoul et Jeanne.
André a travaillé sur la physique mathématique, école de la rigueur, et la phénoménologie dérivée appliquée à la dynamique des interactions fortes, aussi bien seul qu'en collaboration. Il revenait souvent sur des problèmes lorsqu'il avait déjà obtenu des résultats appréciables mais n’en était pas entièrement satisfait.
Parmi les nombreux sujets de ses contributions scientifiques, on peut citer les propriétés analytiques des amplitudes de diffusion, le comportement à haute énergie des sections efficaces totales et différentielles, le problème inverse en mécanique quantique, les ambiguïtés dans les analyses en ondes partielles, la portée de l'annihilation et la mécanique quantique en deux dimensions. Après la découverte du charmonium, il s'intéressa aux propriétés spectrales des potentiels de confinement, un sujet sur lequel il rédigea plusieurs articles importants et un livre. Ses résultats et méthodes appliqués aux quarkoniums et aux baryons ont été étendus à d'autres systèmes similaires, en particulier en physique atomique. André s'intéressait aussi à des sujets plus légers, comme la stabilité d'une table à quatre pieds sur un sol inégal, inspiré par des expériences menées sur la terrasse de la cafétéria du CERN –- une étude largement relayée sur internet.
André avait, dans pratiquement tous les instituts et universités, des amis rencontrés au CERN ou lors de conférences. Il joua souvent un rôle d'intermédiaire et fut à l'origine de nouvelles collaborations. Profondément attaché à la mission du CERN, il était l'un des meilleurs ambassadeurs et défenseurs de l'Organisation. Il nous manquera beaucoup.
Luis Álvarez-Gaumé et Jean-Marc Richard