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Le LHC se prépare pour de nouveaux défis

Après une performance exceptionnelle, le Grand collisionneur de hadrons (LHC), le complexe d'accélérateurs et les expériences s'arrêtent maintenant pour deux ans, pendant lesquels auront lieu d'importants travaux d'amélioration.

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Des travaux dans le cadre du projet de consolidation des circuits et des aimants supraconducteurs, qui s'est déroulé pendant le premier long arrêt (LS1). (Image: Maximilien Brice/CERN)

Genève, le 3 décembre 2018. Très tôt ce matin, les opérateurs du Centre de contrôle du CERN1 ont arrêté le Grand collisionneur de hadrons (LHC), mettant ainsi fin à la deuxième exploitation, très fructueuse, de l'accélérateur de particules le plus puissant du monde. Le complexe d'accélérateurs du CERN restera à l'arrêt pendant environ deux ans, car il va faire l'objet d'importants travaux de rénovation et d'amélioration. 

Cette deuxième exploitation (2015-2018) a vu le LHC dépasser les attentes, en produisant environ 16 millions de milliards de collisions proton-proton à une énergie de 13 TeV et un grand volume de collisions plomb-plomb à une énergie de 5,02 TeV. Cette performance a engendré un immense volume de données : plus de 300 pétaoctets (300 millions de gigaoctets) de données sont à présent archivées de façon permanente dans les bibliothèques de bandes du centre de données du CERN – l'équivalent d'une vidéo en streaming d’une durée de 1 000 ans. En analysant ces données, les expériences LHC ont déjà produit une grande quantité de résultats, qui nous ont permis d’approfondir nos connaissances de la physique fondamentale et de l'Univers primordial. 

« La deuxième exploitation du LHC a été remarquablement fructueuse. Nous avons pu aller bien au-delà de nos objectifs et de nos attentes, en produisant cinq fois plus de données que pendant la première exploitation, à l'énergie sans précédent de 13 TeV, se félicite Frédérick Bordry, directeur des accélérateurs et de la technologie au CERN. Maintenant que commence le deuxième long arrêt, nous allons préparer la machine pour produire encore plus de collisions, à l'énergie nominale, soit 14 TeV ».

« Ces dernières années, en plus de nombreux autres beaux résultats, les collaborations travaillant pour les expériences LHC ont réalisé des avancées formidables dans la compréhension des propriétés du boson de Higgs, renchérit Fabiola Gianotti, directrice générale du CERN. Le Higgs est une particule unique, très différente des autres particules élémentaires observées jusqu’ici ; ses propriétés pourraient nous donner des indices sur la physique au-delà du Modèle standard. »

Le boson de Higgs, clé de voûte du Modèle standard de la physique des particules (la théorie qui décrit le mieux les particules élémentaires et les forces agissant sur elles), a été découvert au CERN en 2012, et il est intensément étudié depuis lors. Les physiciens analysent tout particulièrement les manières dont il se désintègre ou se transforme en d'autres particules, afin de vérifier les prédictions du Modèle standard. Ces trois dernières années, les expériences LHC ont réalisé davantage de mesures sur certains des taux de désintégration prévus pour le boson de Higgs, notamment en ce qui concerne le processus le plus commun, mais difficile à détecter, à savoir la désintégration en quarks b, et un processus rare, la production d'un boson de Higgs associé à des quarks t. Les expériences ATLAS et CMS ont également présenté de nouvelles mesures, d’une précision inédite, sur la masse du boson de Higgs.

Par ailleurs, les expériences LHC ont produit des centaines d'articles scientifiques et une masse de résultats, notamment la découverte de nouvelles particules exotiques telles que la Ξcc++ et les pentaquarks, grâce à l'expérience LHCb, et la découverte par ALICE de phénomènes jusque-là inobservés dans des collisions proton-proton et proton-plomb

Pendant cet arrêt, qui durera deux ans et que l'on appelle le deuxième long arrêt (ou LS2), l'ensemble du complexe d'accélérateurs et de détecteurs sera consolidé et amélioré en vue de la prochaine campagne du LHC, à partir de 2021, mais aussi d’un projet visant à doper la luminosité du LHC, c’est-à-dire à produire beaucoup plus de données : le LHC à haute luminosité (HL-LHC), une machine améliorée qui commencera à fonctionner après 2025. 

« La moisson abondante de la deuxième exploitation permet aux scientifiques de chercher des processus très rares, explique Eckhard Elsen, directeur de la recherche et de l’informatique au CERN. Pendant l'arrêt, ils se consacreront à examiner cet immense volume de données afin d'y chercher d’éventuels signes de la nouvelle physique qui se cacheraient parmi les phénomènes correspondant au Modèle standard. Cela nous mènera vers le HL-LHC, avec lequel la quantité de données augmentera encore d'un ordre de grandeur. » 

Plusieurs des éléments de la chaîne d'accélérateurs qui envoient des protons au LHC (c'est-à-dire les injecteurs) seront rénovés afin d'être en mesure de produire des faisceaux plus intenses. Le premier maillon de la chaîne, l'accélérateur linéaire appelé Linac 2, laissera sa place au Linac 4. Ce nouvel accélérateur linéaire accélérera des ions H-, lesquels seront ensuite « épluchés » de manière à ce que seuls demeurent les protons ; ce procédé permet d’obtenir des faisceaux plus brillants. Le deuxième accélérateur de la chaîne, le Booster du Synchrotron à protons, sera quant à lui équipé de systèmes d'injection et d'accélération entièrement nouveaux. Enfin, le Supersynchrotron à protons (SPS), dernier injecteur avant le LHC, aura une nouvelle alimentation radiofréquence, grâce à laquelle il pourra accélérer des faisceaux à des intensités plus élevées, et sera relié à des lignes de transfert améliorées.

Des améliorations du LHC sont également prévues pendant le LS2. Les diodes de dérivation – les composants électriques qui protègent les aimants en cas de transitions résistives – seront protégées par un blindage, mesure nécessaire pour que l'énergie des faisceaux du LHC soit portée à 7 TeV après le LS2, et plus de 20 des principaux aimants supraconducteurs seront remplacés. En outre, les travaux de génie civil qui ont commencé en juin 2018 en vue du HL-LHC se poursuivront, de nouvelles galeries seront reliées au tunnel du LHC, et de nouveaux aimants puissants ainsi que des technologies supraconductrices innovantes seront testés pour la première fois. 

Toutes les expériences LHC amélioreront d'importantes parties de leurs détecteurs pendant les deux prochaines années. Presque tous les éléments de l'expérience LHCb seront remplacés par des éléments de détection plus rapides, qui permettront à la collaboration d’enregistrer les événements à la fréquence de collision du LHC. De même, ALICE améliorera la technologie de ses trajectographes. ATLAS et CMS feront également l'objet d'améliorations, et commenceront à se préparer pour les grands travaux d'amélioration prévus en vue du HL-LHC. 
 
Quant aux faisceaux de protons, ils seront de retour au printemps 2021, pour la troisième exploitation du LHC. 


Pour en savoir plus (en anglais) :

Nouvelles de CMS
Nouvelles de LHCb
Nouvelles de ATLAS

 

Footnote(s)

1. Le CERN, Organisation européenne pour la Recherche nucléaire, est l’un des plus éminents laboratoires de recherche en physique des particules du monde. Située de part et d’autre de la frontière franco-suisse, l’Organisation a son siège à Genève. Ses États membres sont les suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède et Suisse. Chypre, la Serbie et la Slovénie sont États membres associés en phase préalable à l’adhésion. L’Inde, la Lituanie, le Pakistan, la Turquie et l'Ukraine sont États membres associés. Les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, le Japon, le JINR, l’UNESCO et l’Union européenne ont actuellement le statut d’observateur.