Le Grand collisionneur de hadrons (LHC) a achevé avec succès sa période d’exploitation avec protons pour l’année 2015 : il a fourni l'équivalent d'environ 400 millions de millions (1012) de collisions proton-proton – soit 4 femtobarns inverses de données – aux expériences ATLAS et CMS. Les expériences LHCb et ALICE ont elles aussi récolté un grand nombre de données à des taux de collision plus faibles. Les ingénieurs du CERN préparent à présent l’accélérateur à des collisions d’ions plomb, en vue d’une exploitation pour la physique prévu fin novembre. Ces collisions permettront aux physiciens d’étudier le plasma de quarks et de gluons, un état de la matière qui aurait existé juste après le Big Bang.
« La performance de l’accélérateur a été bonne vu le défi qu’a représenté le passage à 13 téraélectronvolts (TeV), sa nouvelle énergie de collision, indique Mike Lamont, du groupe Opérations. Nous exploitons actuellement le LHC avec 2244 paquets de protons, espacés de 25 nanosecondes, ce qui est un exploit en soi. »
Ce nouveau régime d’énergie a fait apparaître plusieurs difficultés, notamment un accroissement des effets liés aux nuages d’électrons à des intensités de faisceau élevées, et des particules de poussière en déplacement à l'intérieur du tube de faisceau à l’origine d’arrêts prématurés du faisceau. Pour faire face à ces problèmes, l’équipe d’opérateurs a procédé à une augmentation progressive de l’intensité du faisceau sur plusieurs semaines au moyen de petits nombres de paquets dans diverses configurations. Les collisions de protons à 13 TeV étant à présent bien maîtrisées, il est temps de passer aux collisions d'ions plomb.
« Le principal objectif de notre prochain arrêt technique est d’installer les calorimètres 0° pour CMS et ATLAS en préparation de l’exploitation avec ions plomb », explique Marzia Bernardini, du département Ingénierie du CERN. Ces détecteurs, situés tout prêt de la ligne de faisceau, au niveau de deux points d’interaction de l’anneau du LHC, mesurent l’énergie de particules neutres issues des collisions. Ces mesures aident les physiciens à comprendre l’étendue de la surface de collision lors d’interactions plomb-plomb.
ALICE, l’une des sept expériences présentes sur l’anneau du LHC, possède un détecteur de 10 000 tonnes spécialisé dans l’étude de ces collisions plomb-plomb, dans lesquelles les centaines de protons et de neutrons présents dans les noyaux en collision se percutent à des énergies supérieures à plusieurs millions de millions d’électronvolts. Une minuscule boule de feu se forme alors, dans laquelle tout « fond » pour former un plasma de quarks et de gluons.
« Ce nouveau régime d'énergie est bien sûr très intéressant pour ALICE, souligne Paolo Giubellino, porte-parole d’ALICE. Lors de cette exploitation, nous obtiendrons une quantité de données bien plus élevée et nous disposerons d'un détecteur sensiblement amélioré depuis la première exploitation du LHC. Nous avons donc un meilleur instrument permettant une précision beaucoup plus grande, et ce à des températures encore plus élevées que lors de la première exploitation ! »
Mais ALICE n’est pas la seule collaboration à être intéressée par les ions plomb. « À CMS, une équipe nombreuse étudie les données ; ATLAS est également très intéressée, » précise Mike Lamont. Après sa participation à l’exploitation proton-plomb de 2013, LHCb collectera elle aussi des données de collisions plomb-plomb, preuve d’un enthousiasme grandissant pour l’étude de ces collisions à la nouvelle énergie atteinte au LHC.