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La campagne de prise de données 2018 a commencé au LHC

Les opérateurs du LHC espèrent battre le record de l’année passée pour le nombre total de collisions proton-proton fournies aux expériences

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The 2018 data-taking run at the LHC has begun

Une collision enregistrée par LHCb le 28 avril, après le début officiel de la prise de données de cette année (Image : LHCb/CERN)

Samedi 28 avril 2018, les opérateurs du Grand collisionneur de hadrons (LHC) sont parvenus à injecter 1 200 paquets de protons dans la machine et à les faire entrer en collision, marquant ainsi formellement le début de la saison de physique 2018. Le début de l’exploitation pour la physique arrive donc quelques jours plus tôt que prévu, dans la foulée du réveil impressionnant du LHC depuis la fin de son hibernation annuelle, il y a tout juste un mois. Début avril, un petit nombre de paquets ont été injectés dans l’anneau afin de produire des collisions d’essai à l’intérieur des quatre grandes expériences LHC. Ces expériences – ALICE, ATLAS, CMS et LHCb – ont à présent véritablement commencé à enregistrer des données, qu’elles utiliseront pour continuer de mesurer les propriétés du Modèle standard de la physique des particules et pour chercher des failles dans son armure.

Le Modèle standard fournit la meilleure explication existante des propriétés de toutes les particules connues et des trois forces qui régissent leur comportement : la force électromagnétique, la force faible et la force forte. Mais nous savons que ce modèle ne nous dit pas tout sur notre Univers. Il ne concerne en effet que 5 % du contenu de l’Univers : on estime que les 95 % restant sont constitués de matière noire et d’énergie noire, des mystères pour lesquels le Modèle standard n’a pas d’explication. En outre, il ne fournit pas de moyen de concilier la gravité avec les trois autres forces.

Les physiciens des particules travaillant sur les expériences LHC cherchent des explications pour combler ces lacunes, dans deux directions principales. D’une part, ils examinent de plus près divers phénomènes prédits par le Modèle standard en guettant la présence de différences subtiles entre les prédictions et les mesures. D’autre part, ils cherchent des particules ou des phénomènes encore inobservés. Ces deux types de recherches, qui visent la physique au-delà du Modèle standard, exigent d’immenses quantités de données afin de voir un signal potentiel se détacher des phénomènes attendus constituant le bruit de fond. Les expériences LHC espèrent par conséquent que le LHC continuera d’honorer la tradition consistant à dépasser le volume de données de l’année précédente.

Un événement enregistré par ATLAS en avril, alors qu’avaient lieu les premières collisions de l’année, avec trois paquets de protons circulant dans le LHC (Image : ATLAS/CERN)

ATLAS et CMS, les deux détecteurs « polyvalents », continueront de sonder les propriétés du boson de Higgs, qu’ils ont découvert en juillet 2012. Cette particule est le dernier outil à avoir rejoint la panoplie utilisée par les physiciens des particules pour sonder les propriétés de la nature. Depuis sa découverte, les physiciens ont étudié son comportement et ses interactions avec les autres particules ; leurs observations ont jusqu’ici montré une bonne correspondance avec le Modèle standard. Les recherches se poursuivront aussi en ce qui concerne les partenaires supersymétriques des bosons et des fermions connus, dont l’existence est prédite par une série de théories appelées collectivement supersymétrie ; ceux-ci pourraient nous fournir un candidat pour une particule de matière noire. Les expériences ATLAS, CMS et LHCb cherchent également des indices sur la matière noire dans d’autres directions ; elles puiseront pour cela, à mesure qu’elles avancent dans leur exploration, dans le butin de données à venir, qui s’ajoute à celui déjà amassé.

Collisions avec 1200 paquets de protons dans chaque faisceau, enregistrées par CMS en avril 2018. Les lignes jaunes représentent les trajectoires des particules dans le trajectographe, les rectangles bleus et verts représentent les dépôts d'énergie dans les calorimètres, et la ligne rouge représente la trajectoire d'un muon (Image : Tom McCauley/CMS/CERN)

LHCb continuera entre autres de rechercher une solution au problème de l’asymétrie entre matière et antimatière, car le Modèle standard n’a pas d’explication adéquate pour la grande quantité de matière observée dans l’Univers. Lorsque la matière s’est formée, pendant le Big Bang, celle-ci aurait en effet dû être accompagnée d’une quantité égale d’antimatière ; chaque paire matière-antimatière aurait alors dû s’annihiler au moment d’entrer en contact. Nous aurions alors un Univers sans étoiles, et sans être humains pour les observer.

ALICE, l’expérience LHC spécialisée dans la physique des ions lourds, se concentre sur les collisions de noyaux de plomb afin d’étudier l’interaction forte et le plasma quarks-gluons, un état de la matière qui aurait prévalu pendant les premiers instants de l’Univers. ALICE enregistrera toutefois aussi des collisions proton-proton afin de poursuivre ses recherches sur les propriétés des événements contenant un grand nombre de particules produites en même temps ainsi que d’obtenir une référence avec laquelle comparer les collisions plomb-plomb.

Un événement proton-proton avec une énergie dans le centre de masse de 13 TeV enregistré par ALICE le 30 avril 2018, l'un des premiers avec des faisceaux de protons contenant 1200 paquets. Les traces des particules (multicolores) et les dépôts d'énergie (blocs jaunes et oranges) sont visibles. Le très grand nombre de traces est dû aux multiples collisions survenant en même temps lorsque deux paquets de protons se croisent ; les nombreux vertex, correspondant aux collisions simultanées, sont visibles dans l'image en bas à droite (Image : ALICE/CERN)

Les opérateurs du LHC continueront de faire augmenter le nombre de paquets dans la machine, et viseront à atteindre un total de 2 556 paquets. Cela les aidera à remplir l’objectif consistant à fournir cette année 60 femtobarns inverses (fb-1) de données proton-proton à ATLAS comme à CMS, soit 20 % de plus que les 50 fb-1 atteints en 2017. Pour l’expliquer simplement, chaque femtobarn inverse peut correspondre à jusqu’à 100 millions de millions (1014) de collisions entre des protons. L’exploitation proton-proton sera suivie par la première exploitation avec des ions lourds depuis 2016 ; le LHC accélérera et fera entrer en collision des noyaux de plomb à la fin de l’année.

Il s’agit de la dernière année de collisions avant que le LHC entre dans le deuxième long arrêt, période d’hibernation qui durera jusqu’au printemps 2021 et pendant laquelle la machine et les expériences feront l’objet d’améliorations. Les quatre expériences espèrent par conséquent pousser au maximum l’efficacité de leur prise de données, afin de pouvoir effectuer une multitude d’analyses et fournir de nouveaux résultats pendant les deux ans de l’arrêt en utilisant les données de grande qualité enregistrées cette année.


Pour plus d'informations sur le redémarrage (en anglais):