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Dernières nouvelles du LHC : un faisceau à trous

Le passage de particules de gaz gelées des chambres à vide du LHC dans le faisceau pourrait expliquer les récentes pertes de faisceau

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LHC Report: operation with holes

Évolution des intensités du faisceau (en haut), de la charge thermique sur le système cryogénique (au milieu) et de la charge thermique rapportée à l'intensité totale pour les huit arcs du LHC.** (Image: G. Ladarola/CERN)

La saga de la cellule « 16L2 » continue. Comme cela a été expliqué dans les deux « Dernières nouvelles du LHC », la cellule d'arc 16L2 a fait parler d'elle ces derniers temps. Depuis le début de l'été, la majorité des arrêts de faisceau ont été provoqués par des pertes locales de faisceau et des instabilités de faisceau liées à cette partie de la machine.

Le mécanisme qui conduit à ces arrêts de faisceau n'est pas encore clairement établi. Pour l'heure, on pense que de l'air s'est fait piéger dans les chambres à vide de cette cellule durant l'arrêt technique hivernal prolongé (EYETS) ; la tentative visant à faire condenser le gaz  sur la paroi intérieure de l'aimant, à une température à 1,9 K, en réchauffant l'écran de faisceau n'a pas permis d'améliorer la situation.

Au vu de la séquence temporelle des pertes de faisceau, il semble que la particule de gaz gelée soit arrachée à la surface de la chambre à vide par le faisceau. La particule de glace passerait alors dans le faisceau, interagirait avec les protons et se transformerait en gaz. Le gaz interagirait ensuite avec le faisceau, ce qui conduirait à des pertes de faisceau et des instabilités. Des simulations sont en cours afin de déterminer la probabilité de ce scénario, qui met en jeu les protons du faisceau, des électrons et du gaz ionisé. Les nuages d'électrons produits par les paquets très denses du LHC sont l'un des mécanismes qui pourrait déclencher de tels événements, dans la mesure où les électrons du nuage déposent de l'énergie à la surface de la chambre. Les observations réalisées au niveau de l'injection ont toutefois montré que de tels événements sont rares malgré un nuage d'électrons très important, ce qui donne à penser qu'un autre élément est nécessaire pour déclencher un événement au niveau de la cellule 16L2.

La semaine dernière, le faisceau standard du LHC, caractérisé par un espacement des paquets de 25 nanosecondes, a été remplacé par un faisceau dit « 8b4e ». « 8b » pour huit paquets (« bunches » en anglais) et « 4e » pour quatre « wagons » vides (« empty » en anglais) : au lieu d'être constitué par un train continu de paquets espacés de 25 nanosecondes, ce faisceau comprend des mini-trains constitués de huit paquets, espacés de 25 nanosecondes, et de quatre wagons vides. Cette configuration irrégulière du faisceau limite la formation de nuages d'électrons par rapport à un faisceau standard. Le prix à payer est un nombre moins élevé de paquets dans le LHC du fait des wagons vides. Alors que le nombre de paquets a pu aller jusqu'à 2 556 en juillet, en mode « 8b4e », ce nombre est limité à environ 1 920. Pour autant qu'on puisse en juger après quelques jours, la machine fonctionne de façon plus satisfaisante : pratiquement aucun arrêt de faisceau lié à la cellule 16L2 n'a eu lieu tant que la densité ne dépasse pas 1,1x1011 protons. Avec cette configuration, la performance est certes diminuée, mais elle reste acceptable, et elle pourrait permettre d'atteindre d'ici à la fin de l'année l'ambitieux objectif fixé pour 2017, à savoir une luminosité intégrée de 45 fb-1.

**La diminution de la charge thermique en mode 8b4e (depuis le 5 septembre) est clairement visible. Elle est due à la forte réduction de l'activité du nuage d'électrons avec un faisceau 8b4e. (Diagramme fourni par G. Ladarola)