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Un aimant courbé à haut potentiel

Fusillo est un prototype d'aimant type d'aimant en forme de pâte géante qui pourrait trouver des applications médicales dans l’hadronthérapie

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In a physics lab, a person in a protective suit observes the curved outer former which is secured with straps on a metal platform. The shape and grooves in the surface vaguely resemble a pasta shape. The inner former is wrapped in white and ready to be inserted

Frédéric Garnier contrôle le processus d'insertion de la forme intérieure dans la forme extérieure. Les rainures de la forme extérieure, dans laquelle sera enroulé le câble, sont clairement visibles. (Image: M. Struik/CERN)

Quel rapport entre les fusilli, ces pâtes torsadées que nous avons dans nos placards, et la physique des particules ? La réponse est un nouveau type d'aimant en cours de développement au CERN, joliment dénommé « Fusillo » du fait de sa forme. À l'origine, les physiciens du CERN ont pensé développer cette technologie pour une utilisation dans des accélérateurs de particules compacts, par exemple dans un nouvel anneau de stockage pour l'expérience ISOLDE, basée au CERN. Cependant, le développement de cette technologie pourrait avoir également un grand impact dans le domaine médical. L'une des applications possibles pourrait être l'hadronthérapie, utilisée dans le traitement du cancer.

L'hadronthérapie est un type de radiothérapie dans lequel des faisceaux de protons ou d'ions légers sont utilisés pour irradier des tissus cancéreux. Par rapport aux faisceaux de rayons X des radiothérapies classiques, les faisceaux d'ions dégagent moins d'énergie le long de leur parcours, et déposent davantage d'énergie au point visé. Les tissus sains entourant la tumeur sont ainsi moins endommagés par les radiations et une dose plus élevée peut être administrée, ce qui permet une destruction plus rapide de la tumeur. Les tissus environnants étant plus épargnés, la toxicité de l'opération est moindre, ce qui signifie que le patient se sentira mieux pendant et après le traitement.

Au cours des dernières décennies, plus d'une centaine installations d'hadronthérapie ont été construites dans le monde. Cependant, peu de centres médicaux ont les moyens d'acquérir les machines nécessaires, car les aimants sont coûteux, et nécessitent souvent des ressources supplémentaires, notamment des intensités électriques élevées et des systèmes de refroidissement par hélium. À ce jour, l'hadronthérapie n'est proposée que dans certains pays d'Europe et d'Asie, et aux États-Unis. Il n'existe aucune installation d'hadronthérapie en Afrique et on compte un seul centre, en cours de construction, en Amérique du Sud. Grâce à la technologie Fusillo, le traitement pourrait devenir plus accessible à l'avenir. L'aimant Fusillo est un modèle de démonstration de dipôle CCCT (aimant courbe à spires en biais à cosinus thêta). Ce nouveau type d'électro-aimant présente de nombreux avantages : il nécessite une intensité électrique beaucoup plus basse, facilement disponible, son coût est relativement bas et il est particulièrement compact grâce à une conception simplifiée qui nécessite moins de pièces différentes. L'aimant Fusillo devrait également être plus facile à refroidir par un système à sec n'utilisant pas d'hélium liquide, contrairement à beaucoup d'autres aimants supraconducteurs.

Vue du processus de fabrication des câbles. Les conducteurs passent par toute une chaîne de bobines avant d'être amenés dans un système de guidage qui permet d'obtenir un empilement régulier, avant la prochaine étape de fabrication
Dix cordons, chacun constitué de sept fils, sont combinés en un câble, qui est ensuite enroulé dans la forme métallique, visible à l'arrière plan. (Image: M. Struik/CERN)

La conception de base de l'aimant est un enroulement de câbles en deux bobines emboîtées. La bobine intérieure est enroulée en biais en sens opposé par rapport à la bobine extérieure. L'assemblage produit un champ dipolaire à l'intérieur du tube. Il s'agit d'une nouvelle technique de création d'un champ dipolaire, actuellement à l'essai avec le modèle de démonstration du Fusillo. Même si le concept est envisagé depuis plusieurs décennies, la puissance de calcul nécessaire à la conception de cet aimant n'est disponible que depuis quelques années. Pour produire un aimant pouvant être alimenté à faible intensité, Ariel Haziot et son équipe au CERN ont entrepris de toronner plusieurs fils isolés en une sorte de cordon qui est ensuite enroulé autour de la forme. Les différents fils sont connectés de manière à permettre au courant de faire de multiples tours autour des bobines, créant ainsi un électro-aimant d'une puissance suffisante (3 T au centre), à une intensité relativement faible (300 A).

Les aimants de type CCT sont développés au CERN depuis 2014 et utilisés dans le LHC à haute luminosité. Il a fallu environ deux ans et demi à Ariel Haziot et à son équipe pour mener à bien le projet actuel de construction d'un modèle de démonstration de CCT courbe. Les photos montrent l'opération d'enroulement des câbles autour de la forme. À part quelques étapes supplémentaires restant à accomplir, la phase de construction touche à sa fin et les premiers tests grandeur nature du nouvel aimant sont prévus pour le mois d'avril. Après quelques contrôles supplémentaires à échelle réduite, les essais permettront d'évaluer l'aimant par rapport aux résultats des simulations, afin de poursuivre le processus de développement. Des aimants du type Fusillo devraient être utilisés dans le nouvel anneau de stockage prévu à l'installation HIE-ISOLDE d'ici cinq ans. Ce type d'aimant pourrait également être adapté pour d'autres applications, notamment l'hadronthérapie.

Deux hommes en combinaisons de protection enroulent des cordons sur un grand tuyau brillant. Une troisième personne observe le processus
Carlos Fernandes (à gauche), Frédéric Garnier (au centre) et Ariel Haziot (à droite) enroulent les câbles autour de la forme. (Image: M. Struik/CERN)