Beaucoup des expériences de physique menées au CERN nécessitent des champs magnétiques d’intensité modérée (environ 2 teslas) présents dans un large entrefer sur un important volume. À l’heure actuelle, ces champs sont créés par des électroaimants ordinaires (résistifs) superferriques. Robustes et fiables, ces aimants résistifs consomment toutefois une quantité considérable d’électricité (de l’ordre du MW), ce qui rend leur utilisation onéreuse.
C’est pourquoi l’équipe d’ingénieurs du groupe TE-MSC du CERN explore l’utilisation de supraconducteurs à température intermédiaire (fonctionnant à 20 kelvins et plus) dans le bobinage des électroaimants, le but étant d’améliorer le rendement énergétique. L’équipe a conçu, produit et testé avec succès un conducteur pouvant être utilisé dans ces électroaimants. Le prototype de démonstration du principe est composé d’une bobine supraconductrice fabriquée à partir d’un câble en diborure de magnésium (MgB2) et installée dans une culasse en fer. Dans une première étape, le prototype a été testé à 4,5 K, température à laquelle il a atteint le champ magnétique voulu. Le prototype a été conçu pour être facilement adaptable à de grands électroaimants superferriques, tels que certains des aimants utilisés pour l’expérience SHiP (« Search for Hidden Particles »). Ce modèle novateur pourrait également être incorporé dans des aimants déjà existants, où il remplacerait les bobines résistives.
Le câble en MgB2 a été fabriqué pour les liaisons supraconductrices du Grand collisionneur de hadrons à haute luminosité (HL-LHC) au CERN. Les brins de MgB2 ont été mis au point par le CERN, en collaboration avec l’entreprise ASG S.p.A. lors de la phase de recherche et développement du lot de travaux concernant les systèmes d’alimentation froids du HL-LHC, et ont été produits par cette entreprise. Le câble de MgB2, lui aussi mis au point par le CERN, a été industrialisé en vue de sa fabrication sur de grandes longueurs par Tratos Cavi S.p.A, membre du consortium ICAS. Les culasses en fer et les machines de bobinage ont été fabriquées avec l’appui du groupe EN-MME du CERN.
Lors des premiers tests, les ingénieurs ont refroidi le prototype à 4,5 K au moyen d’hélium liquide, puis ils ont augmenté progressivement le courant jusqu’à une intensité de 5 kA (intensité nominale), sans observer de transition résistive ni de tension résistive dans la bobine. Ils ont ensuite ramené le prototype à température ambiante avant de le refroidir à nouveau à 4,5 K. À la fin de ce cycle thermique, l’aimant a une fois de plus atteint l’intensité de courant visée (5 kA) sans aucune transition résistive. Les mesures magnétiques à température cryogénique ont confirmé que le prototype de démonstration répond aux attentes, autant au niveau de la force du champ (1,95 T à 5 kA) que de sa qualité.
« Ces résultats prometteurs montrent la robustesse du câble MgB2 et l’adéquation du modèle de bobine pour les électroaimants superferriques, explique Arnaud Devred, chef du groupe TE-MSC. L’équipe tient à remercier chaleureusement Richard Jacobsson, qui a inspiré ces travaux, Davide Tommasini pour son étude exploratoire sur la faisabilité du projet et José Miguel Jimenez pour son soutien inconditionnel. »
À terme, la bobine sera insérée dans un cryostat prévu à cet effet, ce qui permettra de la maintenir à 20 K alors que la culasse en fer qui l’entoure restera à température ambiante.