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La physique nucléaire au CERN : un pôle de recherche interdisciplinaire

Les recherches fondamentales menées auprès des installations ISOLDE et n_TOF au CERN trouvent des applications multiples en astrophysique, en physique médicale ou dans le domaine énergétique

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Group photo of participants at the NPA-X conference

Participants à la conférence NPA-X (Image : CERN)

Durant une semaine, début septembre, un groupe de scientifiques représentant des disciplines étonnamment diverses était réuni dans l'amphithéâtre principal du CERN. Pour sa dixième édition, la Conférence NPA-X (Nuclear Physics in Astrophysics Conference), qui a lieu tous les deux ans, a rassemblé des physiciens nucléaires (théoriciens et expérimentateurs), des astronomes, des astrophysiciens et des cosmochimistes du monde entier, qui ont pu profiter de leurs expertises respectives. Chaque édition de la conférence est accueillie par une collaboration différente. Cette année, c’était le tour d'ISOLDE (Isotope mass Separator On-Line facility) et de n_TOF (Neutron Time of Flight). Basées au CERN, ces collaborations dans le domaine de la physique nucléaire sont au cœur de la recherche interdisciplinaire menée au CERN, laquelle trouve des applications dépassant le champ de la physique des particules.

Au programme de la conférence, notamment, l'évolution des étoiles, la formation des éléments dans le cosmos et les processus nucléaires faisant intervenir des objets exotiques tels que les trous noirs.

Rassembler les pièces du puzzle de la Voie lactée est un exemple intéressant d'activités interdisciplinaires mis en lumière lors de la conférence. Les astrophysiciens avaient en effet observé l'émission de rayons gamma depuis le cœur de la Voie lactée. Avec la communauté de la physique nucléaire, ils ont pu déterminer quelle en était l'origine.

« Lors de l'explosion d'une étoile, de l'aluminium-26 est produit. Il faut savoir pourquoi et en quelle quantité, explique Alberto Mengoni, co-organisateur de la conférence et porte-parole de n_TOF. Cela dépend de réactions nucléaires, et ce sont ces réactions que nous étudions à n_TOF et à ISOLDE ».

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L'installation n_TOF (Image: CERN)

n_TOF utilise un faisceau de protons pulsés provenant du Synchotron à protons (PS) et une cible de plomb pour créer des faisceaux de neutrons de différentes énergies. Ces faisceaux sont ensuite dirigés sur une cible, ce qui permet de déterminer les propriétés nucléaires d'un échantillon placé sur cette cible.

ISOLDE fonctionne de la même manière. Un faisceau provenant du Booster du PS est dirigé sur des cibles épaisses ; en se désintégrant, il produit différents isotopes. Un faisceau de basse énergie contenant ces isotopes peut alors être utilisé pour étudier, par exemple, les masses nucléaires et les désintégrations. HIE-ISOLDE fournit un faisceau de plus haute énergie qui peut « imiter » les réactions qui se produisent dans les étoiles.

Les recherches fondamentales menées auprès de ces deux installations sont essentielles pour pouvoir comprendre les propriétés des éléments du tableau périodique, ainsi que les nombreux isotopes différents qui existent.

C'est la raison pour laquelle plus d'un millier de scientifiques de différentes disciplines utilisent ces installations. « Selon moi, c'est probablement la partie du CERN la plus diversifiée sur le plan scientifique », souligne Sean Freeman, porte-parole de la collaboration ISOLDE et coorganisateur de la conférence. On y trouve des spécialistes de la physique nucléaire, des interactions fondamentales, de la physique atomique et moléculaire, de la science des matériaux, de la médecine ou encore de la biologie. »

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L'installation ISOLDE (Image: CERN)

Outre l'astrophysique, les recherches menées à ISOLDE et à n_TOF trouvent des applications particulièrement utiles en médecine. Ainsi, on demande parfois aux collaborations de produire un isotope répondant à un certain nombre de critères pour pouvoir l'utiliser pour le diagnostic de cancers. Et Sean Freeman d’ajouter : « Les physiciens nucléaires vont apporter des réponses à des questions comme : “Quel isotope ?” “Est-il possible de le fabriquer ?” “Quelles réactions et quelles cibles va-t-il falloir utiliser ?” Il s'agit d'écouter ce que l'on nous demande et d'imaginer ce que peut apporter la physique nucléaire. »

Les études en rapport avec l'énergie nucléaire sont un autre aspect très important. « La question n'est pas d'être pour ou contre l'énergie nucléaire, mais de s'intéresser aux technologies nucléaires sous l'angle de la physique, explique Alberto Mengoni. La gestion des déchets est une question fondamentale pour l'acceptation de l'énergie nucléaire. L’installation n_TOF a donc été créée pour aider à concevoir des systèmes qui réduisent ces déchets. » Les installations contribuent également au développement de réacteurs nucléaires de pointe et de solutions novatrices pour améliorer la sécurité et l'efficacité des réacteurs.

Parmi les autres domaines de recherche, on peut citer la physique de la matière condensée (étude de la structure interne des solides, exploration de matériaux à l'aide de l'informatique quantique), ou encore l'utilisation de la résonance magnétique nucléaire pour comprendre les processus biologiques tels que le repliement des protéines. Ce ne sont là que quelques exemples.

Ces autres applications de la physique nucléaire font aussi l'objet de conférences, similaires à la conférence NPA-X, et permettent de mener des recherches fructueuses et d'établir un dialogue entre disciplines.

« Selon moi, il est essentiel de parler avec des scientifiques d'autres disciplines car cela permet de comprendre les liens qui existent entre différents axes de recherche », souligne Alice Manna, participante à la conférence NPA-X. En outre, les interactions de ce type nous permettent de savoir ce qui se passe en dehors de notre domaine de recherche et d'avoir le sentiment d'appartenir à une communauté scientifique plus large. »