Lorsque des noyaux atomiques comme des noyaux d'or ou de plomb entrent en collision à haute énergie dans un collisionneur de particules, ils peuvent produire du plasma de quarks et de gluons – un état chaud et dense de la matière qui aurait existé juste après le Big Bang. L'une des caractéristiques clé de la formation du plasma de quarks et de gluons dans des collisions d'ions lourds est une correspondance spatiale à longue portée, ou corrélation, entre les particules créées lors de ces collisions. Ce phénomène collectif, qui se manifeste sous la forme d'une crête (« ridge ») dans les graphiques, a été observé pour la première fois en 2005 dans des collisions d'ions lourds au collisionneur relativiste d'ions lourds RHIC du Laboratoire national de Brookhaven aux États-Unis ; il a depuis été observé au Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN dans des systèmes de collisions plus petits tels que les collisions proton-proton.
Lors des Rencontres de Moriond, la collaboration ALICE a rendu compte de l'observation d'une telle corrélation, se présentant sous la forme d’une crête, dans le système de collision le plus simple où ce phénomène ait été détecté à ce jour. Avec cette observation, les scientifiques font un pas en avant dans la compréhension de l'origine des phénomènes collectifs comme celui du plasma de quarks et de gluons dans les petits systèmes de collisions.
En 2010, la première observation d’une corrélation sous la forme d’une crête dans des collisions autres que les collisions d'ions lourds avait été réalisée par la collaboration CMS dans des collisions de protons dites de « haute multiplicité », produisant un nombre relativement grand de particules. Peu après, CMS, ALICE et ATLAS ont également observé ce phénomène dans des collisions entre protons et noyaux de plomb. Des résultats surprenants, ces systèmes de collision étant censés être trop petits et trop simples pour présenter un comportement collectif comme celui du plasma de quarks et de gluons. D'autres études ont montré que les corrélations observées sont bien par nature un phénomène collectif ; toutefois, les mécanismes à l'origine de ce comportement dans des systèmes plus petits et plus simples restent mystérieux.
Dans sa dernière étude, la collaboration ALICE a cherché à déterminer si une corrélation (ou effet de crête) se produit également dans les collisions de protons de « basse multiplicité », où le nombre de particules créées est relativement faible. Les scientifiques d'ALICE ont analysé un grand échantillon de collisions de protons enregistrées par la collaboration durant la deuxième période d'exploitation du LHC pour déterminer la relation entre l'effet de crête et le nombre de particules produites lors des collisions. Ils ont ensuite reporté dans un graphique le nombre de paires de particules produites dans un ensemble de collisions de haute multiplicité selon deux directions angulaires par rapport à l'axe de collision et ont constaté que la figure obtenue avait indéniablement la forme d'une crête.
L'équipe a ensuite regardé comment le nombre de paires de particules associées à la crête varie en fonction de la multiplicité, puis comparé les résultats obtenus à ceux de collisions électron-positon enregistrées par l'expérience ALEPH auprès du Grand collisionneur électron-positon (LEP), le prédécesseur du LHC. Il est ressorti de cette comparaison que, pour la même multiplicité, la corrélation dans les collisions de protons est plus importante que celle qu’on peut déduire de l’examen des collisions électron-positon où aucune corrélation n'a été observée jusqu'à ce jour.
Les nouveaux résultats d'ALICE, ainsi que les futures études qui seront réalisées avec les données de la troisième période d'exploitation du LHC, devraient aider les scientifiques à identifier les mécanismes qui régissent le comportement collectif dans les petits systèmes de collision.
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Pour en savoir plus, voir le site web de l’expérience ALICE (en anglais).