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ATLAS mesure l'intensité de la force forte avec une précision record

Ce résultat témoigne de la capacité du LHC de repousser plus loin les limites de la précision et d'améliorer note compréhension de la nature

The image shows the ATLAS detector

The ATLAS experiment at CERN (Image: CERN)

C'est elle qui lie les quarks entre eux pour former les protons, les neutrons et les noyaux atomiques ; elle est si intense qu'on l'appelle la force forte (ou l’interaction forte). Portée par des particules appelées gluons, c'est la plus puissante de toutes les forces fondamentales de la nature – les trois autres étant l'électromagnétisme, la force faible et la gravitation. En même temps, de ces quatre forces, c'est celle qui est la moins précisément mesurée. Dans un article qui vient d'être soumis pour publication à la revue Nature Physics, la collaboration ATLAS explique comment elle a utilisé le boson Z, particule électriquement neutre porteuse de la force faible, pour déterminer l'intensité de la force forte avec une incertitude inférieure à 1 %, ce qui constitue un niveau de précision inédit.

Pour décrire l'intensité de la force forte, le Modèle standard de la physique des particules utilise un paramètre appelé constante de couplage de l’interaction forte. Même si notre compréhension de cette constante a pu s’améliorer au fil des ans par des mesures et des avancées théoriques, l'incertitude attachée à sa valeur est toujours supérieure par des ordres de grandeur à celle des constantes de couplage des autres forces fondamentales. Or, on a besoin d’une mesure plus précise afin d’améliorer les calculs théoriques des processus faisant intervenir la force forte et pour avancer sur d’autres questions : toutes les forces fondamentales pourraient-elles avoir la même intensité à très haute énergie, ce qui donnerait à penser qu'elles pourraient avoir une origine commune ? De nouvelles interactions, inconnues, pourraient-elles modifier la force forte dans certains processus ou à certaines énergies ?

Dans sa nouvelle étude sur la constante de couplage de l’interaction forte, la collaboration ATLAS a analysé les bosons Z produits dans des collisions proton–proton au Grand collisionneur de hadrons (LHC) à une énergie de collision de 8 TeV. Le plus souvent, des bosons Z sont produits lorsque, dans des collisions de protons, deux quarks s'annihilent. Dans ce processus, qui fait intervenir la force faible, la force forte entre en jeu par l'intermédiaire du rayonnement de gluons à partir des quarks en cours d’annihilation. Ce rayonnement donne au boson Z une impulsion transversale par rapport l'axe de collision. L'ampleur de cet effet dépend de la constante de couplage de l’interaction forte. En mesurant précisément la distribution des impulsions transversales du boson Z et en comparant ces mesures aux calculs théoriques également précis de cette distribution, il est possible de déterminer cette constante.

Dans cette nouvelle analyse, l'équipe ATLAS s'est concentrée sur certaines désintégrations du boson Z en deux leptons (électrons ou muons), choisies pour leur netteté, et a mesuré l'impulsion transversale du boson Z par l'intermédiaire des produits de ses désintégrations. En comparant ces mesures aux prédictions théoriques, les scientifiques ont pu déterminer avec précision que la constante de couplage de l’interaction forte à l'échelle de la masse du boson Z est de 0,1183 ± 0,0009. Avec une incertitude relative de seulement 0,8 %, ce résultat constitue à ce jour la détermination la plus précise de l'intensité de la force forte réalisée par une seule expérience. Elle concorde avec la moyenne mondiale actuelle des résultats expérimentaux et des calculs de chromodynamique quantique sur réseau (voir le graphique ci-après).

Cette précision record a été rendue possible grâce à des avancées sur les plans expérimental et théorique. Côté expérience, les scientifiques d'ATLAS sont parvenus à comprendre de manière précise l'efficacité de détection et l'étalonnage de l'impulsion des deux électrons ou muons issus de la désintégration du boson Z, ce qui a permis d'obtenir, pour la mesure de l’impulsion, une précision allant de 0,1 % à 1 %. Côté théorie, les scientifiques d'ATLAS ont utilisé, entre autres, des calculs de pointe du processus de production du boson Z qui prennent en compte jusqu'à quatre « boucles » en chromodynamique quantique. Ces boucles correspondent dans les calculs à la complexité des processus intermédiaires qui contribuent au phénomène. En ajoutant des boucles, on accroît la précision.

"La force nucléaire forte est un paramètre clé du Modèle standard, mais elle n'est connue qu'avec une précision de l'ordre du pour cent. À titre de comparaison, la force électromagnétique, qui est 15 fois moins intense que la force forte à l'énergie étudiée par le LHC, est connue avec une précision supérieure au milliardième, souligne Stefano Camarda, physicien au CERN et membre de l'équipe qui a réalisé cette mesure. Avoir mesuré l'intensité de couplage de la force forte à un niveau de précision de 0,8 % est une véritable prouesse. C’est une illustration de la capacité du LHC et de l’expérience ATLAS de repousser encore les limites de la précision et d'améliorer note compréhension de la nature."

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Nouvelle valeur de la constante de couplage de l’interaction forte mesurée par ATLAS par rapport à d'autres mesures. (Image : ATLAS/CERN)