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BASE ouvre de nouvelles perspectives dans la recherche de matière noire froide

L’expérience sur la symétrie baryon-antibaryon BASE auprès de l'usine d'antimatière du CERN a défini de nouvelles limites sur la possibilité pour des particules de type axion de se transformer en photons

Jack Devlin working at BASE experiment
Jack Devlin, physicien, ajuste la sensibilité du dispositif de contrôle du faisceau d'antiprotons de l'expérience BASE. (Image: CERN)

L’expérience sur la symétrie baryon-antibaryon (BASE), auprès de l'usine d'antimatière du CERN, a défini de nouvelles limites sur l’existence des particules de type axion, et sur la possibilité pour de telles particules s'inscrivant dans une gamme de masses étroite autour de 2,79 neV de se transformer en photons, c'est-à-dire en particules de lumière. L'article rendant compte de ce résultat, publié par la revue Physical Review Letters, décrit la méthode innovante mise au point et ouvre de nouvelles perspectives dans la recherche de matière noire froide.

Les axions, ou des particules de type axion, sont des candidats à la matière noire froide. S'appuyant sur des observations d'astrophysique, les scientifiques estiment qu'environ 27% de la matière de l'Univers est constituée de matière noire. Ces particules inconnues sont sensibles à la gravitation, mais les autres forces fondamentales ne les affectent pas de façon notable – et peut-être même pas du tout. La théorie la plus généralement reconnue des forces et particules fondamentales, appelée Modèle standard de la physique des particules, ne fait état d'aucune particule ayant les bonnes propriétés pour être reconnue comme étant de la matière noire froide. Les résultats annoncés par BASE portent sur ce fond hypothétique de matière noire présent dans tout l'Univers.

Comme le Modèle standard est loin de répondre à toutes les questions, des physiciens ont proposé des théories au-delà du Modèle standard, dont certaines visent à expliquer la nature de la matière noire. Parmi ces théories figurent celles qui posent l'hypothèse de l'existence d'axions, ou de particules de type axion. Ces théories doivent être mises à l'épreuve, et c'est pourquoi de nombreuses expériences ont été conçues dans le monde, y compris au CERN, pour rechercher de telles particules. Grâce à l'expérience BASE, des outils mis au point pour détecter des antiprotons isolés (l'antiproton étant l'équivalent en antimatière du proton) ont été appliqués à la recherche de la matière noire. C'est d'autant plus remarquable que BASE n'a pas été conçue pour ce type d'étude.

« BASE dispose de systèmes de détection extrêmement sensibles servant à étudier les propriétés d'antiprotons isolés qui ont été piégés. Ces détecteurs peuvent également être utilisés pour rechercher des signaux de particules autres que celles produites par ces antiprotons. Dans cette étude, nous avons utilisé l'un de nos détecteurs en guise d'antenne pour rechercher un nouveau type de particules de type axion », explique Jack Devlin, boursier de recherche au CERN, qui travaille sur cette expérience.

Comparée aux grands détecteurs installés auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC), BASE est une petite expérience. Elle est reliée au Décélérateur d'antiprotons du CERN, qui l'alimente en antiprotons. BASE capture ces antiprotons et les retient dans un piège de Penning, dispositif qui combine champs électriques et champs magnétiques élevés. Pour éviter des collisions avec la matière ordinaire, le piège est maintenu à 5 kelvins (soit environ -268 degrés Celsius), température à laquelle on obtient des pressions extrêmement basses, semblables à celles existant dans l'espace. Dans cet environnement extrêmement bien isolé, des nuages d'antiprotons piégés peuvent subsister pendant des années. Par une manipulation fine des champs électriques, les équipes de BASE peuvent isoler un seul antiproton et le transférer dans une autre partie de l'expérience, dans laquelle des détecteurs supraconducteurs à résonance, très sensibles, peuvent capter les courants électriques faibles produits par les antiprotons isolés se déplaçant dans le piège.

Dans l'étude décrite dans l'article publié par Physical Review Letters, l'équipe BASE s'intéressait aux signaux électriques inattendus captés par des détecteurs d'antiprotons ultrasensibles. Au cœur de chaque détecteur se trouve une petite bobine d'environ 4 cm de diamètre de fil supraconducteur, de forme torique, qui ressemble aux inducteurs que l'on trouve souvent dans l'électronique ordinaire. Cependant, les détecteurs BASE, étant supraconducteurs, ne présentent presque aucune résistance électrique, et tous les composants environnants sont choisis soigneusement de façon à ne pas créer de pertes électriques. Cela rend ces détecteurs extrêmement sensibles aux champs électriques faibles. Les détecteurs sont situés dans le champ magnétique élevé du piège de Penning ; des axions issus du fond de matière noire interagiraient avec ce champ magnétique et se transformeraient en photons, lesquels pourraient être détectés.

Les physiciens ont utilisé l'antiproton comme capteur quantique afin d'étalonner le bruit de fond sur leur détecteur. Ils ont ensuite commencé à rechercher, dans une bande de fréquences étroite, des signatures même faibles, distinctes du bruit de fond du détecteur, et qui pourraient ressembler aux signaux émis par des particules de type axion et leurs interactions possibles avec des photons. Rien n'a été trouvé aux fréquences enregistrées, ce qui signifie que BASE a réussi à fixer de nouvelles limites supérieures pour les interactions possibles entre photons et particules de type axion pour certaines masses.

Avec cette étude, BASE ouvre une nouvelle voie pour d'autres expériences comportant un piège de Penning, qui pourraient participer à la recherche de matière noire. Comme BASE n'a pas été conçue pour rechercher ces signaux, plusieurs modifications pourraient être apportés pour accroître la sensibilité et la largeur de bande de l'expérience, et améliorer la probabilité de trouver un jour une particule de type axion.

« Avec cette technique nouvelle, nous avons combiné deux branches de la physique expérimentale qui jusqu'ici n'avaient aucun lien : la physique des axions et la physique de haute précision des pièges de Penning. Notre expérience de laboratoire est complémentaire d'expériences d'astrophysique et elle est particulièrement sensible dans la partie inférieure de la gamme de masses des axions. Avec un instrument spécialement conçu pour cette recherche, nous pourrions élargir le panorama des recherches de l'axion au moyen des techniques des pièges de Penning », explique Stefan Ulmer, porte-parole de BASE.

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