Aujourd'hui, la collaboration internationale LHCb auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC) a présenté de nouvelles mesures de certaines désintégrations rares, qui constituent des tests d'une précision inédite à ce jour de l'universalité de la saveur du lepton, l'une des clés de voûte du Modèle standard de la physique des particules. Des études antérieures de ces désintégrations avaient révélé des indices de tensions avec les prédictions théoriques, qui auraient pu éventuellement révéler les effets de nouvelles particules ou de nouvelles forces. Les résultats de l'analyse améliorée et plus large, s'appuyant sur l'ensemble complet de données du LHC recueillies par l'expérience au cours des deux premières périodes d'exploitation, ont été présentés lors d'un séminaire au CERN ce matin, et ils sont conformes aux prédictions du Modèle standard.
Une des grandes énigmes de la physique des particules est la raison pour laquelle les 12 particules élémentaires, quarks et leptons, s'ordonnent par paires sur trois générations qui sont identiques en tout point à part la masse ; la matière ordinaire est constituée des particules de la première génération, la plus légère. L'universalité de la saveur du lepton signifie que les forces fondamentales agissent de la même façon, quelle que soit la génération à laquelle appartient un lepton. Pourtant, ces dernières années, une accumulation de résultats de LHCb et d'autres expériences au Japon et aux États-Unis semblait indiquer qu'il pourrait en être autrement, ce qui a suscité dans la communauté de la physique un frémissement d'excitation : serait-il possible qu'une théorie plus fondamentale, capable peut-être d'expliquer la mystérieuse structure des saveurs dans le Modèle standard, puisse se révéler au LHC ?
L'intérêt pour les anomalies de saveur a culminé en mars 2021, date à laquelle LHCb a présenté de nouveaux résultats, comparant les taux de désintégration en muons et en électrons de certains mésons B (les mésons B sont des particules composites comportant un quark beauté). D'après la théorie, les désintégrations dans lesquelles interviennent des muons et des électrons doivent se produire selon les mêmes taux, une fois prises en compte les différences de masse entre leptons. Or, les résultats obtenus à LHCb semblaient indiquer que le taux de désintégration en muons des mésons B était plus bas qu'attendu, avec une signification statistique de 3,1 écarts-types par rapport à la prédiction du Modèle standard.
La nouvelle analyse de LHCb, qui couvre cinq années de recherche, est plus complète. Elle s'intéresse simultanément, ce qui est une première, à deux modes de désintégration différents du méson B et parvient à un meilleur traitement des processus du bruit de fond susceptibles d'imiter la désintégration des mésons B en électrons. De plus, les deux modes de désintégration sont mesurés dans deux régions de masse différentes, ce qui produit quatre comparaisons indépendantes des désintégrations en question. Les résultats, qui rendent caduques les comparaisons précédentes, concordent très bien avec le principe de l'universalité de la saveur du lepton.
« Les mesures des rapports des désintégrations rares de mésons B en électrons et en muons ont suscité beaucoup d'intérêt ces dernières années, parce qu'elles sont en théorie “ propres ” et présentent une certaine concordance avec un ensemble d'anomalies observées dans d'autres processus relatifs aux saveurs, explique Chris Parkes, de l'Université de Manchester et du CERN, porte-parole de l'expérience LHCb. Les résultats présentés aujourd'hui sont le produit d'une étude complète des deux modes principaux, s'appuyant sur la totalité de l'ensemble de données, et utilisant des techniques d'analyse nouvelles et plus robustes. Ces résultats sont compatibles avec les prédictions de la théorie. »
Avec de nouveaux ensembles de données, LHCb (l'une des quatre grandes expériences auprès du LHC, au CERN) pourra continuer l'étude de l'universalité de la saveur du lepton, et également mener à bien un programme de recherche plus large incluant des études de nouveaux hadrons, avec en particulier la recherche de particules exotiques telles que tétraquarks et pentaquarks et l'exploration des différences entre matière et antimatière. Une version améliorée du détecteur LHCb, en fonctionnement pour la troisième période d'exploitation, permettra de collecter des ensembles de données plus volumineux, et ainsi, de procéder à des tests de plus grande précision de certaines désintégrations rares.
« Les indices apparus précédemment à LHCb d'anomalies concernant l'universalité de la saveur des leptons ont fait sensation, explique Michelangelo Mangano, physicien théoricien au CERN. Ces anomalies auraient pu être une réalité, ce qui montre bien l'étendue de ce que nous ne savons pas ; les interprétations théoriques ont envisagé une myriade de phénomènes possibles et inattendus. Les derniers résultats de LHCb n'enlèvent rien à notre mission, qui est de repousser les limites de nos connaissances. La traque des anomalies, suivant les pistes indiquées par des résultats expérimentaux, se poursuit ! »
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site web de l’expérience LHCb et dans le Courrier CERN (en anglais).