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Mystère autour de la durée de vie d’une particule

Avec sa nouvelle mesure de la durée de vie de l'oméga charmé, LHCb a obtenu une valeur qui ne coïncide pas avec les estimations antérieures

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A proton–proton collision event detected by LHCb earlier this year. (Image: LHCb/CERN)

Une collision proton-proton détectée par LHCb cette année. (Image : CERN)

Il arrive que, lorsque l'on mesure l'une des propriétés d'une particule, la nouvelle valeur soit, curieusement, très différente de celles obtenues par le passé. Comme elle le rapporte dans un article mis en ligne et soumis à la revue Physical Review Letters, la collaboration LHCb du CERN en a récemment fait l'expérience lorsqu'elle s'est penchée sur la durée de vie d'une particule appellée oméga charmé. En s'appuyant sur des données issues de collisions proton-proton, la collaboration a obtenu un résultat presque quatre fois supérieur aux valeurs observées antérieurement. Pour trouver une explication à cette mystérieuse divergence, LHCb et d'autres expériences prévoient d'ores et déjà de nouvelles études.

L'oméga charmé appartient, au même titre que les protons et les neutrons, à une famille de particules portant le nom de baryons, lesquels sont composés de trois quarks, des particules plus petites. Si les protons sont formés de trois quarks légers, l'oméga charmé, quant à lui, est composé de deux quarks relativement légers et d'un quark charmé, le troisième plus lourd sur les six quarks connus. Et contrairement aux protons, qui sont stables, l'oméga charmé se désintègre en d'autres particules. Les mesures de la durée de vie des particules charmées, et plus généralement de celles contenant des quarks lourds, sont importantes pour la physique, car elles permettent de tester les modèles de la chromodynamique quantique, théorie décrivant la manière dont les gluons maintiennent les quarks ensemble.

La durée de vie de l'oméga charmé avait été mesurée il y a plus de dix ans par les collaborations E687 et FOCUS au Fermilab (États-Unis) et par la collaboration WA89 au CERN. Pour ce faire, les différentes équipes avaient analysé plusieurs dizaines de désintégrations d'omégas charmés qui avaient eu lieu au cours d'expériences consistant à bombarder des noyaux situés sur une cible fixe avec un faisceau de particules. La moyenne des valeurs mesurées par ces expériences, qui étaient toutes relativement proches les unes des autres, avait été calculée à 69 ± 12 femtosecondes (une femtoseconde équivaut à un millionième de milliardième de seconde).

La nouvelle mesure effectuée par LHCb a été réalisée à partir des données issues de collisions proton-proton comprenant environ 1 000 désintégrations d'omégas charmés. Pour déterminer la durée de vie de ces derniers, les scientifiques de LHCb ont comparé ces désintégrations à celles d'autres particules dont la durée de vie est connue avec une grande précision. Cette même méthode a par ailleurs récemment été utilisée par la même équipe pour déterminer la durée de vie d'une particule « doublement charmée ». La durée de vie de l'oméga charmé a ainsi été mesurée à 268 ± 26 femtosecondes, un résultat bien plus élevé que la moyenne des valeurs précédentes.

Aucune des valeurs relevées n'entre néanmoins en contradiction avec les estimations théoriques de la durée de vie de l'oméga charmé, qui reposent sur des calculs subtils fondés sur la chromodynamique quantique et dont les résultats ont abouti à des prédictions comprises entre 60 et 520 femtosecondes. Les avis sont donc partagés quant à savoir si, au bout du compte, l'ancienne moyenne ou la nouvelle valeur prévaudra. Mais il y a fort à parier que cette divergence incitera les chercheurs à réaliser de nouvelles mesures et également à revoir les estimations théoriques.