Le Synchrotron à protons (PS) est maintenant doté de deux nouveaux absorbeurs de faisceaux internes. Installés dans l’accélérateur au mois de juin, ils sont le fruit de cinq années de développement dans le cadre du projet d'amélioration des injecteurs du LHC (LIU). De la taille d’une boîte à chaussures, le cœur de l’absorbeur est constitué de deux éléments – du graphite isostatique et un alliage de cuivre, de chrome et de zirconium – que le faisceau traverse successivement. Chaque absorbeur est encastré dans une structure blindée en acier et béton qui participe à l’absorption du faisceau : « L’absorbeur lui-même n’encaisse que 8 % de l’énergie du faisceau », explique François-Xavier Nuiry, qui dirige le projet au sein du groupe EN-STI. « Cela représente une puissance pouvant aller jusqu’à 2,2 kW, qu’il faut pouvoir évacuer. Nous avons choisi d’utiliser la technique de compression isostatique à chaud pour le cœur de l’absorbeur, car cela permet une évacuation optimale de la chaleur. »
Le fonctionnement de ces absorbeurs est unique parmi l’ensemble des absorbeurs de faisceaux au CERN : pour arrêter le faisceau, ils se mettent en travers de sa route via un rapide (300 ms) mouvement d’oscillation. Cette technique, développée dès 1973, puis repensée et modernisée pour le projet LIU, a un atout majeur : sa fiabilité. Deux roulements à billes, des ressorts et un électro-aimant suffisent en effet à enclencher l’oscillation. « Grâce à une conception spécifique et à une sélection précise de chacun des composants constituant le mécanisme d’oscillation, ces absorbeurs ne requièrent que très peu de maintenance et résistent très bien aux radiations », ajoute François-Xavier Nuiry. Chaque absorbeur doit pouvoir réaliser 200 000 oscillations par an pendant 15 ans.
Les deux nouveaux absorbeurs sont d’ores et déjà opérationnels et subissent des tests d’oscillation in situ avant la fermeture du PS, prévue en octobre.
Une nouvelle ligne d’injection a par ailleurs été mise en place. Le Booster, qui a subi une métamorphose complète, fournira désormais au PS des particules accélérées à 2 GeV (contre 1,4 GeV auparavant). Les anciens aimants de la ligne d’injection ont donc dû être remplacés, en particulier l’aimant à septum : « Au sein de la section "aimants à septum" du groupe Transfert de faisceaux dans les accélérateurs (ABT), nous avons développé un nouvel aimant qui repose sur le principe des courants de Foucault », souligne Michael Hourican, chef du lot de travaux. « C’est la première fois qu’un tel aimant à septum est utilisé au CERN. »
Les aimants à septum d’injection servent à dévier les faisceaux de particules en provenance d’un premier accélérateur pour les injecter dans l’accélérateur suivant, sans perturber les faisceaux déjà en circulation. Or, le champ magnétique au cœur de l’aimant a tendance à « fuiter », ce qui peut interférer avec les faisceaux en circulation. D’où l’utilisation de courants de Foucault : « Les courants de Foucault induits dans l'aimant créent un champ magnétique secondaire qui s'oppose au champ magnétique de fuite et contribue à l'annuler, réduisant ainsi les effets sur les faisceaux en circulation », explique Michael Hourican.
Dans le PS, l’aimant à septum est associé à cinq aimants de déformation d’orbite et à un aimant de déflexion rapide ; ils constituent le système d’injection. L’aimant à septum dévie la trajectoire du faisceau en provenance du PSB vers l’anneau du PS. Les aimants de déformation d’orbite modifient l’orbite dans le PS de sorte que sa position et son angle correspondent à ceux du faisceau en sortie de septum. Enfin, l’aimant de déflexion rapide, situé en aval, place le faisceau injecté sur l’orbite nominale.
C’est un peu comme si une voiture (le faisceau) empruntait une voie d’accélération (la ligne d’injection) pour entrer sur une autoroute (le PS) : dans la voie d’accélération, la voiture prend un virage (l’aimant à septum) puis s’insère dans la voie d’autoroute. La seule différence ici étant que la voie d’autoroute elle-même se décale physiquement (sous l’action des aimants de déformation d’orbite) pour « accueillir » la voiture.
Pour des questions de place et de géométrie, l’un des cinq aimants de déformation d’orbite a été fixé au nouvel aimant à septum (voir photo). Les deux aimants se trouvent dans une enceinte à vide, qui peut être positionnée à distance depuis le Centre de contrôle du CERN (CCC) afin d'optimiser l'injection. L’assemblage a été mis en place dans le PS à la fin du mois de juin et est actuellement en phase de tests.