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L’antihydrogène au CERN: 20 ans déjà

En septembre 1995, des physiciens synthétisaient au CERN les premiers atomes d’antihydrogène, ouvrant la voie à la recherche sur l’antimatière

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Antihydrogen at CERN: 20 years and going strong

L'expérience ALPHA, une des cinq expériences qui étudient l'antimatière au CERN (Image : Maximilien Brice/CERN)

Il y a vingt ans, une équipe de scientifiques du CERN, sous la direction de Walter Oelert, réussissait à produire les premiers atomes constitués de particules d'antimatière.

Les neufs atomes d’antihydrogène (antimatière homologue de l’atome le plus simple, l’hydrogène – ont été produits à l’installation LEAR (Anneau à antiprotons de basse énergie). Cette première mondiale s'est produite exactement 30 ans après la découverte de l'antiproton et a ouvert un nouveau chapitre dans l'étude de l'antimatière.

Les comparaisons entre atomes d'hydrogène et atomes d'antihydrogène constituent l'un des meilleurs moyens de réaliser des mesures précises des différences entre matière et antimatière. Les spectres, d’après les prédictions théoriques, devraient être identiques, de sorte que toute différence, même minime, ouvrirait des perspectives sur une nouvelle physique et pourrait contribuer à élucider le mystère de l'antimatière.

Les atomes produits en 1995 ont eu une existence d'environ 40 milliardièmes de seconde, parcourant 10 mètres à une vitesse proche de celle de la lumière, avant de s'annihiler au contact de la matière ordinaire en produisant le signal montrant que des anti-atomes avaient été formés.

Sept ans plus tard, c’est le Décélérateur d’antiprotons (AD) du CERN qui faisait l’actualité : les expériences ATHENA et ATRAP venaient de réussir à produire en grand nombre, pour la première fois, des atomes d’antihydrogène.

Aujourd’hui, l’AD est utilisé par cinq expériences, qui étudient l'antimatière de différentes manières: AEgIS, ALPHA, ASACUSA, ATRAP et BASE.

ALPHA – qui a pris la suite d'ATHENA - est conçue spécifiquement pour piéger les particules d'antihydrogène pendant une durée plus longue que ne le faisaient les expériences précédentes, ce qui permet d'étudier ces particules de façon beaucoup plus fine. La collaboration ALPHA a déjà mesuré la charge électrique d’un anti-atome avec une précision bien plus grande que les expériences précédentes. La collaboration ASACUSA, qui a également en vue des études de haute précision de l'antihydrogène, a réalisé la première production d'un faisceau d'anti-atomes.

Cette année, l'expérience BASE (expérience sur la symétrie baryon-antibaryon) a annoncé la comparaison la plus précise entre le rapport charge sur masse du proton et celui de l’antiproton, la particule correspondante dans l’antimatière. L’étude de la collaboration BASE, portant sur 13 000 mesures effectuées sur une période de 35 jours, a montré que les protons et les antiprotons ont des rapports charge sur masse identiques.

L’expérience AEgIS, opérationnelle depuis cette année, est spécifiquement conçue pour mesurer l'interaction gravitationnelle de l'antimatière. Une autre expérience, à venir, appelée GBAR, mènera des études similaires.

Ces succès récents marquent une croissance dans la recherche sur l’antimatière, à laquelle l’AD du CERN ne peut plus faire face, car les expériences ont besoin de plus en plus d'antiprotons de basse énergie. Une machine améliorée, appelée ELENA, deviendra opérationnelle en 2017. C’est auprès de cette machine que sera installé GBAR.

ELENA décélérera encore plus les antiprotons en provenance de l’AD, si bien que ces antiprotons seront piégés en plus grand nombre par les expériences. ELENA, qui a en outre la capacité d’être utilisée par quatre expériences presque simultanément, inaugurera une nouvelle ère de l’étude de la relation entre matière et antimatière dans l’Univers.

Pour en savoir plus: "In the steps of the antiproton"