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Allen, projet soutenu par CERN openlab - un élément clé de l'amélioration du système de déclenchement de LHCb

À compter de 2021, le niveau 1 du système de déclenchement de haut niveau de l'expérience LHCb fonctionnera avec des processeurs graphiques. CERN openlab a permis d'étudier la faisabilité d’un tel changement

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Event collected at the beginning of 2018 data taking
(Image: LHCb/CERN)

La semaine passée (article initialement publié le 9 juin 2020), le Comité des expériences LHC a accepté formellement une proposition portant sur une nouvelle première phase pour le système de déclenchement de haut niveau (« high-level trigger » - HLT) de LHCb. LHCb est l'une des quatre grandes expériences auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC). Elle tente de comprendre ce qui, après le Big Bang, a permis à la matière de survivre et de former l’Univers dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Comme les autres expériences LHC, LHCb utilise un système de « déclenchement » pour filtrer la gigantesque quantité de données produites lors des collisions de particules (ou événements) dans ses détecteurs. Une collision sur 500 environ est sélectionnée en vue d'une analyse plus poussée. Le système de déclenchement comprend deux niveaux : le premier (HLT 1) fait passer le débit de données de 40 Tbit/s environ à 1–2 Tbit/s ; le deuxième (HLT 2), le ramène lui à 80 Gbit/s. Les données sont ensuite stockées et analysées à l'aide de la Grille de calcul mondiale pour le LHC (WLCG).

Jusqu'à présent, on utilisait dans les niveaux 1 et 2 un ensemble de microprocesseurs classiques, appelés également processeurs centraux (CPU). Dans le nouveau système, qui devrait être mis en production en 2021, on utilisera dorénavant pour le niveau 1 des processeurs graphiques (GPU). Grâce à leur structure hautement parallèle, les GPU sont plus efficaces que les CPU classiques pour exécuter des algorithmes traitant de grandes quantités de données en parallèle.

Les scientifiques de LHCb étudient le potentiel des GPU pour leurs systèmes de déclenchement depuis 2013 environ. Le nouveau système, qui s'appuie sur ces travaux fondamentaux, est le résultat de recherches intenses menées ces deux dernières années à travers un projet intitulé Allen, du nom d'une pionnière dans le monde de l'informatique, Frances Elizabeth Allen. Les trois développeurs principaux de l'équipe Allen sont Dorothea Vom Bruch, chercheuse postdoctorante au Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (LPNHE, France) ; Daniel Cámpora, chercheur postdoctorant de l’Université de Maastricht et de l'Institut national de physique subatomique (Nikhef, Pays-Bas), qui était doctorant pendant la quasi-totalité du développement d'Allen, sous la supervision conjointe du CERN et de l'Université de Séville (Espagne) ; et Roel Aaij, ingénieur logiciel au Nikhef, qui a également joué un rôle majeur dans le développement et la mise en service des systèmes HLT de LHCb pendant la première et la deuxième exploitations.

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Les développeurs principaux de l'équipe Allen (Image: CERN)

Le nouveau système de l'équipe du projet Allen peut traiter 40 Tbit/s, en utilisant environ 500 GPU NVIDIA Tensor Core. Du point de vue de la physique, sa performance, en termes de reconstruction pour les particules chargées, est équivalente à celle obtenue avec des CPU classiques. Il a également été démontré que le système Allen ne sera pas limité en termes de capacité de mémoire ou de bande passante. En outre, il peut non seulement être utilisé pour la reconstruction, mais il peut aussi décider de conserver ou de rejeter un événement.

Différents algorithmes ont été exécutés avec succès sur Allen. Cela montre que les GPU peuvent être utilisés comme accélérateurs de calcul en physique des hautes énergies, mais aussi en tant que solutions de traitement des données complètes et autonomes. D'autres expériences LHC étudient également le potentiel des GPU. L'expérience ALICE les a déjà utilisés en production pour son système de déclenchement de haut niveau pendant la deuxième exploitation.

« Nous savions que c'était une voie intéressante à étudier, mais nous ne nous attendions pas à ce que cela fonctionne aussi rapidement », a déclaré Vladimir Gligorov du LPNHE, qui dirige le projet d'analyse en temps réel de LHCb. « Ces deux dernières années, l'équipe responsable du système de déclenchement de haut niveau de LHCb a réussi à rendre les CPU utilisés presque dix fois plus rapides, et a ainsi permis au système de fonctionner comme prévu, ce qui, en soi, est une prouesse. Et maintenant, ce nouveau projet visionnaire commence à porter ses fruits. À présent, nous avons le nec plus ultra des deux technologies. »

Allen a bénéficié d'un appui du projet CERN openlab grâce à l'entreprise italienne E4 Computer Engineering, qui déploie du matériel NVIDIA. Ce projet sert de banc d'essai pour des applications accélérées par GPU, avec plusieurs cas d'utilisation dans les différentes expériences LHC.

« Grâce à CERN openlab, l'équipe a pu tirer parti de l'expertise de E4 Computer Engineering et de ses liens forts avec NVIDIA », explique Maria Girone, responsable technique CERN openlab. « L'équipe a pu avoir à disposition les GPU dont elle avait besoin pour ses tests, et les ingénieurs de NVIDIA, avec qui elle était en contact, lui ont donné des conseils pour que le code soit exécuté aussi efficacement que possible sur les GPU. Ce type d'interactions avec l'industrie joue un rôle important dans l'innovation en matière d'accélération de la puissance de calcul, et nous aide à relever les défis posés en termes de calcul par l'ambitieux programme d'amélioration du LHC. »

« CERN openlab a joué un rôle important en réunissant les diverses équipes qui, dans le Laboratoire et les expériences, étudient le potentiel des GPU », explique Vladimir Gligorov. « Le fait de voir que d'autres étudiaient aussi cette technologie nous a incités à aller de l'avant. Et nous avons bien fait, car le jeu en valait la chandelle. »


Cet article a paru initialement sur le site web de CERN openlab. Pour en savoir plus sur le nouveau système HLT 1, lisez l'article publié le 30 avril dans la revue « Computing and Software for Big Science » (en anglais).