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La mise à niveau d’AMS a réussi ses tests de qualification

Un nouvel élément viendra renforcer les capacités d’AMS pour l’étude des rayons cosmiques depuis l’ISS

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Manipulating Layer-0 with a robotic arm at CERN (M.Brice/CERN)

Manipulating Layer-0 with a robotic arm at CERN (M.Brice/CERN)

Le Spectromètre magnétique Alpha (AMS-02), détecteur de physique des particules arrimé à la Station spatiale internationale (ISS), va bientôt bénéficier d’une mise à niveau majeure qui permettra de mieux scruter le comportement énigmatique des rayons cosmiques. Une étape déterminante vient d’être franchie à cet égard : après plus d’un an de tests au CERN, des composants clés du nouveau détecteur ont subi avec succès une série complexe d’opérations de développement, d’assemblage et de qualification.

Assemblé au CERN et opérationnel à bord de l’ISS depuis mai 2011, AMS-02 a été conçu pour rechercher de la matière noire et de l’antimatière, dans le but d’apporter de nouveaux éléments sur l’origine de l’Univers. Le détecteur a déjà enregistré plus de 250 milliards de rayons cosmiques, révélant dans les mesures de positons, d’antiprotons et d’autres particules des résultats inattendus qui remettent en question les modèles astrophysiques classiques. La mise à niveau prévoit l’ajout d’une nouvelle couche au-dessus des neuf couches déjà existantes du trajectographe d’AMS-02. Cette nouvelle couche augmentera d’environ 300 % l’acceptance pour la détection des rayons cosmiques. Grâce à cette amélioration, la collaboration AMS-02 espère notamment pouvoir déterminer si l’excédent de positons enregistré par AMS provient de pulsars, ou s’il est dû à un phénomène plus exotique, comme la désintégration d’éventuelles particules de matière noire.

Au cours des derniers mois, le CERN a joué un rôle central dans la conception, l’intégration et la qualification de la nouvelle couche, dite « Layer-0 ». Cette nouvelle couche est composée d’une couche de silicium de trois mètres de diamètre, intégrée dans une structure composite en carbone conçue sur mesure au CERN pour répondre aux conditions exigeantes propres au milieu spatial. Un modèle de qualification grandeur nature, équipé d’un capteur pré-intégré en Chine et en Italie, a été assemblé dans la salle blanche dédiée du CERN puis soumis à des tests pour la qualification complète de la conception au regard des contraintes propres au lancement et à la circulation en orbite. Les équipes du CERN ont ensuite procédé à une batterie de tests de métrologie, de tests de vibrations aléatoires et de tests vibroacoustiques, en collaboration avec les laboratoires de l’INFN en Italie, afin de vérifier l’intégrité structurelle du détecteur et son comportement en conditions simulées de lancement.

Le Layer-0 sera livré à l’ISS avec une extension de la surface radiante, les deux éléments formant une seule charge utile à bord de la fusée Dragon de SpaceX. Cette nouvelle extension, développée à Taïwan sous la supervision du CERN et de la NASA, repose sur un système de caloducs à ammoniac servant à dissiper la chaleur générée par l’électronique du détecteur. Elle doit servir à compenser le vieillissement du système de refroidissement actuel, après 14 ans en orbite. Des fixations spécifiques, pouvant être maniées par les astronautes en apesanteur, permettront de détacher l’extension de la surface radiante du Layer-0 dans l’espace, puis de la raccorder à la surface radiante déjà en place d’AMS lors d’une activité extravéhiculaire guidée par les astronautes.

L’intégration finale du modèle de vol aura lieu au CERN plus tard cette année ; celui-ci comprendra 768 capteurs à bande de silicium assemblés en Chine et en Italie, ainsi que des composants électroniques de précision fournis par des partenaires taïwanais. Cette intégration sera suivie d’une nouvelle campagne de tests. Des mesures de métrologie détaillées seront réalisées au CERN avant et après la campagne, afin de connaître la position exacte de chacun des 768 capteurs.

L’ultime phase de tests consistera en un étalonnage à l’aide d’un faisceau de particules issu du Synchrotron à protons du CERN. Un bras robotique permettra de scanner avec précision le plan du détecteur, afin de cartographier les réponses et l’emplacement des capteurs. L’équipement sera ensuite expédié du CERN au Centre spatial Kennedy de la NASA, en vue d’un lancement prévu au printemps 2026.

L’installation dans l’espace représentera un défi sans précédent. Cette opération supposera à la fois l’utilisation du bras robotique Canadarm de la Station et une série de sorties dans l’espace effectuées par les astronautes. La préparation de l’ensemble de ces procédures d’installation repose sur des modèles 3D détaillés, sur une documentation précise issue de l’intégration initiale d’AMS au CERN et sur des répétitions en conditions réelles avec des astronautes dans le Laboratoire de flottabilité neutre de la NASA. Cette opération spatiale complexe fait suite à une mission menée avec succès en 2019-2020, au cours de laquelle des astronautes avaient remplacé un système de refroidissement défaillant pour prolonger la durée de vie d’AMS.

Associant le produit d’une collaboration internationale à un travail d’ingénierie et d’intégration système mené au CERN, la mise à niveau d’AMS illustre la manière dont l’innovation déployée au sol permet de faire progresser durablement la recherche scientifique en orbite.