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NA64 utilise un faisceau de muons de haute énergie du SPS pour rechercher la matière noire

La collaboration NA64 a utilisé pour la première fois un faisceau de muons pour rechercher de la matière noire, ce qui pourrait conduire à de nouvelles limites concernant un éventuel boson noir Z'

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The setup of the NA64 experiment in the SPS muon beamline

L'expérience NA64 dans la ligne de faisceau de muons du SPS (appelée ligne de faisceaux M2). (Image : CERN)

L’expérience NA64 a été lancée en 2016 dans la zone Nord du Supersynchrotron à protons (SPS) du CERN. Son objectif : explorer un hypothétique « secteur noir » à la recherche de particules inconnues. Pour ce faire, l’équipe de NA64 envoie un faisceau d’électrons sur une cible fixe. Les scientifiques recherchent ensuite des particules relevant du secteur noir qui seraient produites par les collisions entre les électrons du faisceau et les noyaux atomiques de la cible.

Récemment, l’équipe de NA64 a également commencé à utiliser un faisceau de muons provenant du SPS pour rechercher de nouvelles particules interagissant principalement avec des muons – la version plus lourde de l’électron – qui pourraient expliquer l’énigme persistante du moment magnétique anomal du muon et résoudre la question de la matière noire. Les premiers résultats ont été publiés le 8 avril dans la revue « Physical Review Letters ».

Dans cet article, la collaboration NA64 fixe de nouvelles limites à l'espace des paramètres disponible – la fenêtre dans laquelle les scientifiques pourraient trouver un hypothétique boson noir Z’ qui se couplerait uniquement à des muons et à des taus pour des valeurs données de sa masse et de sa force de couplage. Dans le modèle le plus simple, le boson Z’ ne peut se désintégrer qu'en neutrinos et pourrait expliquer l'énigme du moment magnétique anomal du muon. Mais dans le modèle élargi, il peut aussi se désintégrer en particules candidates à la matière noire. Ce processus résoudrait le problème de la matière noire, car il permettrait de prédire la densité relique observée de particules de matière noire créées dans l’Univers primordial. Avec ces résultats, la collaboration NA64 démontre le grand potentiel des faisceaux de muons dans la recherche de la matière noire et dans les futurs scénarios de nouvelle physique s’appuyant sur les couplages aux muons.

« Les collisions entre les muons et les noyaux de la cible pourraient engendrer un hypothétique boson noir Z’. Elles seraient suivies par la désintégration invisible de celui-ci en des paires de neutrinos ou de candidats à la matière noire, en fonction du modèle envisagé, explique Laura Molina Bueno, coordinatrice technique adjointe. L’impulsion et l’énergie manquantes dans nos détecteurs seraient la signature de cette production ».

Pour cette recherche, un faisceau tertiaire de muons à 160 GeV, dérivé du faisceau primaire de protons du SPS, est envoyé sur un calorimètre électromagnétique agissant comme une cible active. Les expérimentateurs recherchent ensuite les événements dans lesquels un muon à l'état final a une impulsion inférieure à 80 GeV, sans que l’on puisse détecter une activité dans les calorimètres en aval.

Aucun événement répondant à ces conditions n’ayant été observé dans la région du signal prévu, les chercheurs ont pu exclure cette région et conclure que, pour le premier modèle, la seule fenêtre possible concernant la masse d’un boson noir Z’ pouvant expliquer l'anomalie du muon g-2 se situe entre 6 MeV et 40 MeV. Leurs résultats indiquent également que la matière noire thermique légère couplée au Modèle standard par l'intermédiaire d'un boson Z’ (Lmu-Ltau) ne peut dépasser 40 MeV.

NA64 est l'une des premières expériences à rechercher des secteurs noirs faiblement couplés aux muons. Les expérimentateurs sont convaincus de pouvoir à l'avenir explorer l'espace de paramètres disponible en utilisant des intensités de faisceau plus élevées. « Utiliser un faisceau de muons ouvre une nouvelle fenêtre pour l’exploration d'autres scénarios de nouvelle physique, tels que les modèles de référence sur le photon noir, les portails scalaires, les particules millichargées ou les processus de violation de la saveur leptonique », conclut Paolo Crivelli, co-porte-parole de NA64.