View in

English

Les temps forts de la conférence de Moriond 2019 (electroweak physics)

Les dernières données issues des expériences fournissent des tests plus précis du Modèle standard et de phénomènes rares du microcosme

Des physiciens travaillant au CERN présentent leurs derniers résultats aux 66e Rencontres de Moriond, qui se déroulent à La Thuile (Italie). Depuis le début de la conférence, le 16 mars, un large éventail de sujets ont été abordés, allant des mesures du boson de Higgs et de processus du Modèle standard à des recherches de phénomènes rares ou exotiques.

Le Modèle standard de la physique des particules est une théorie d'une remarquable efficacité, qui décrit comment les particules élémentaires et les forces fondamentales déterminent les propriétés de l'Univers ; cette théorie est toutefois incomplète, car elle n'explique pas certains phénomènes tels que la gravité, la matière noire ou l'énergie sombre. Les physiciens accueillent donc avec intérêt toute mesure présentant des incohérences avec le Modèle standard, car celles-ci peuvent fournir des indices sur de nouvelles particules et de nouvelles forces – en d'autres termes, sur une nouvelle physique. Lors de la conférence, les collaborations ATLAS et CMS ont présenté de nouveaux résultats basés sur un volume de 140 fb–1 de données issues des collisions proton-proton, enregistrées pendant la deuxième exploitation du Grand collisionneur de hadrons (LHC), entre 2015 et 2018. Un grand nombre des analyses présentées ont bénéficié de techniques novatrices d'apprentissage automatique, utilisées pour isoler les données pertinentes des processus appartenant au bruit de fond.

Depuis la découverte du boson de Higgs en 2012, les physiciens d'ATLAS et de CMS ont réalisé des avancées importantes dans la compréhension de ses propriétés, de la manière dont il se forme et de ses interactions avec les autres particules connues. Grâce à la quantité de bosons de Higgs produits dans les collisions de la deuxième exploitation, les collaborations ont pu mesurer la plupart des principaux modes de production et de désintégration de cette particule, avec une signification statistique dépassant largement cinq écarts-types. En outre, de nombreuses recherches visant à repérer de nouveaux types de bosons de Higgs ont été présentées. En combinant toutes les mesures du boson de Higgs réalisées, ATLAS a pu fixer de nouvelles limites pour l’auto-couplage de cette particule. CMS a pour sa part présenté de nouveaux résultats sur la désintégration du Higgs en deux bosons Z, et a également déduit de nouvelles informations sur l'interaction entre les bosons de Higgs et les quarks t. Cette interaction est mesurée de deux manières, d'une part en utilisant des paires de quarks t et d'autre part via un processus rare dans lequel quatre quarks t sont produits. La probabilité de la production de quatre quarks t dans le LHC est environ dix fois plus faible que celle de la production de bosons de Higgs associés à deux quarks t, et environ dix mille fois plus faible que celle de la production d'une simple paire de quarks t.
 

Event Displays,Physics,Heavy Ion Collisions,ATLAS
Un événement ATLAS avec les dépôts d'énergie de deux photons sur les côtés opposés du calorimètre électromagnétique (en vert) et aucune autre activité dans le détecteur, une signature claire de la diffusion lumière-lumière (Image: ATLAS/CERN)

La collaboration ATLAS a également rapporté la première observation d'indices de la production simultanée de trois bosons W ou Z (particules porteuses de l'interaction faible). La production de triplets de bosons est un processus rare prédit par le Modèle standard, qui est sensible à d'éventuelles contributions de particules ou de forces pour l'instant inconnues. Le très grand volume de données nouvellement disponible a également été utilisé par les collaborations ATLAS et CMS pour étendre les recherches, à l'énergie disponible avec le LHC, à de nouvelles particules n'appartenant pas au Modèle standard. L'une des théories à l'étude est la supersymétrie, une extension du Modèle standard qui se caractérise par une symétrie entre la matière et la force et suppose l'existence d'un grand nombre de nouvelles particules, y compris de possibles particules candidates pour la matière noire. Ces particules hypothétiques n'ont jusqu'ici pas été détectées par des expériences ; les collaborations ont fixé des limites plus strictes, vers le bas, sur la gamme de masses qu'elles pourraient avoir.

home.cern,Experiments and Tracks
Un événement de collision enregistré par CMS, contenant une signature d'énergie-transverse-manquante, qui est l'une des caractéristiques qu'observe la recherche pour SUSY (Image: CMS/CERN)

La collaboration CMS a établi de nouvelles limites sur les paramètres de nouvelles théories de physique décrivant d'hypothétiques particules lourdes se déplaçant lentement. Celles-ci pourraient être repérées en mesurant la vitesse à laquelle elles traversent le détecteur : alors que les particules habituelles voyagent à une vitesse proche de celle de la lumière, depuis le point de collision des protons, ces particules lourdes devraient se déplacer sensiblement plus lentement puis se désintégrer en une gerbe d'autres particules, créant ainsi un « jet tardif ». CMS a également présenté la première observation d'un autre processus rare, à savoir la production de deux bosons W, résultant, non pas d’une, mais de deux interactions simultanées entre les constituants des protons entrés en collision.

ATLAS et CMS ont présenté en outre de nouvelles études sur la recherche des hypothétiques bosons Z' (Z prime). L'existence de ces particules neutres lourdes est prédite par certaines théories de grande unification, qui pourraient constituer une extension élégante du Modèle standard. Même si aucun signe tangible des particules Z' n'a été observé jusqu'ici, les résultats de ces études ont permis de définir des limites pour leur taux de production.

La collaboration LHCb a présenté plusieurs nouvelles mesures concernant des particules contenant des quarks b ou c. Certaines propriétés de ces particules peuvent être sensibles à l'existence de nouvelles particules hors Modèle standard, ce qui permet à LHCb de chercher des signes d'une nouvelle physique par une voie indirecte, complémentaire d'autres approches. Un résultat, qui a été présenté pour la première fois lors de cette conférence, était très attendu : il s'agissait d'une mesure, utilisant les données enregistrées entre 2011 et 2016, du rapport entre les taux de deux désintégrations rares associées d'une particule B+. D'après le Modèle standard, ces désintégrations doivent se produire selon le même taux, à 1 % près ; les données enregistrées sont en accord avec cette prédiction, mais elles tendent vers une valeur plus faible. Cette observation va dans le même sens que des indices intrigants observés pour d'autres processus de désintégration semblables. Aucun de ces résultats n'est en lui-même suffisamment significatif pour constituer une preuve d'une nouvelle physique, mais pris ensemble ils ont suscité l'intérêt des physiciens, et seront donc étudiés de façon plus approfondie sur la base de la totalité des données de LHCb. LHCb a également présenté la première observation, dans les désintégrations de particules charmées, de l'asymétrie entre matière et antimatière appelée violation de CP, comme le rapporte un communiqué de presse paru la semaine passée à ce sujet.

Enfin, avec les données des collisions d'ions plomb enregistrées en 2018, la collaboration ATLAS est parvenue à observer, avec une signification statistique de plus de huit écarts-types, un phénomène très rare dans lequel deux photons – des particules de lumière – interagissent de façon à produire une nouvelle paire de photons. Ce processus, qui est exclu dans les théories classiques de Maxwell sur l'électrodynamique, figurait parmi les premières prédictions de l'électrodynamique quantique (QED), la théorie quantique de l'électromagnétisme.

Informations complémentaires:

ATLAS news
CMS news
LHCb news