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Moriond 2019 sensible à la force forte

Pentaquarks, particules Bc et autres au menu de la deuxième semaine de la conférence de Moriond, consacrée aux études sur la force nucléaire forte

La semaine passée, des physiciens venus du monde entier se sont réunis à La Thuile, en Italie, pour la deuxième semaine des Rencontres de Moriond. Au programme, des résultats nouveaux ou récents concernant la chromodynamique quantique (CDQ), la théorie de la force forte, qui décrit comment les quarks sont maintenus ensemble dans des particules composites (appelées hadrons), et aussi concernant des interactions de particules de haute énergie. Cette année, les résultats des grandes expériences LHC (ALICE, ATLAS, CMS et LHCb) portaient notamment sur de nouveaux pentaquarks, de nouvelles particules Bc, une mesure plus précise de l'asymétrie matière-antimatière dans les particules Bs, et de nouveaux résultats sur les collisions d'ions lourds.

Découverte de nouveaux pentaquarks

La collaboration LHCb a annoncé la découverte de nouveaux « pentaquarks », soit des hadrons composés de cinq quarks. En général, les quarks s'assemblent par groupes de deux ou trois, mais la collaboration LHCb a confirmé ces dernières années l'existence de tétraquarks et de pentaquarks exotiques, prédits par la CDQ. Dans une étude de 2015, les scientifiques de LHCb avaient analysé des données issues de la désintégration de la particule Λb, composée de trois quarks, en une particule J/ψ, un proton et un kaon chargé, et ils avaient alors pu observer deux nouveaux pentaquarks (dénommés Pc(4450)+ et Pc(4380)+) dans des états de désintégration intermédiaires. En analysant un échantillon contenant neuf fois plus de désintégrations de la particule Λb que les données analysées en 2015, l'équipe de LHCb a maintenant découvert un nouveau pentaquark Pc(4312)+ ainsi qu'un schéma à deux pics montrant que la structure Pc(4450)+ observée précédemment correspondait en fait à deux particules.

 

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Un candidat Bs se désintégrant en J/ψ et ϕ, le méson J/ψ se désintégrant à son tour en deux muons de charges opposées (lignes rouges) et le méson ϕ en deux kaons de charges opposées (lignes bleu clair). L'événement a été enregistré le 16 août 2017 par ATLAS, dans le LHC, lors de collisions proton-proton à 13 TeV. (Image: CERN)

 

Les particules Bc sous la loupe

Malgré des avancées importantes ces vingt dernières années, notre compréhension des processus de CDQ à l'origine de la formation des hadrons demeure incomplète. L'une des manières de tenter de mieux les comprendre consiste à étudier la famille peu connue des particules Bc, qui sont des hadrons composés d'une quark b et d'un antiquark c, ou vice-versa. En 2014, sur la base de données issues de la première période d'exploitation proton-proton du LHC, la collaboration ATLAS annonçait avoir observé une particule Bc appelée Bc(2S). Dans son analyse très récente de l'ensemble des données recueillies lors de la deuxième période d'exploitation, publiée aujourd'hui dans la revue Physical Review Letters et présentée lors des Rencontres de Moriond, la collaboration CMS a observé sans ambiguïté possible un schéma à deux pics qui correspond au Bc(2S) et à une autre particule Bc, appelée Bc*(2S). LHCb, qui annonçait en 2017 ne pas avoir observé de particule Bc(2S) dans ses données de 2012, a maintenant analysé l'ensemble des données recueillies sur la période 2011-2018, et a également observé les pics correspondant au Bc(2S) et au Bc*(2S), confortant ainsi le résultat de CMS.

 

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Représentation d’un événement enregistré par CMS montrant une particule candidate pour le Bc(2S*). La signature de cette nouvelle particule est la présence de deux pions (lignes vertes) et d’un méson Bc, qui se désintègre en un pion (ligne jaune) et un J/ψ se désintégrant à son tour en deux muons (en rouge). (Image: CERN)

 

Asymétrie matière-antimatière dans les particules Bs

Pendant la deuxième semaine de la conférence, un nouveau résultat a également été annoncé sur la valeur de l'asymétrie matière-antimatière appelée violation de CP dans le système des particules Bs (particulescomposées d'un quark b et d'un quark s). Les mésons Bs ont une caractéristique particulière : ils oscillent rapidement entre leur antiparticule et leur état initial et, lorsqu'ils se désintègrent en combinaisons de particules telles qu'un J/ψ et un ϕ, ces oscillations peuvent entraîner des violations de CP. La valeur de la violation de CP prédite par le Modèle standard et observée jusqu'ici dans les expériences est trop faible pour expliquer le déséquilibre constaté entre matière et antimatière dans l'Univers, ce qui pousse les scientifiques à chercher d'autres sources de violation de CP, encore inconnues, et à mesurer plus précisément l'importance de la violation de CP issue de causes connues. Après les deux mesures indépendantes de l'asymétrie dans le système Bs rapportées par ATLAS et LHCb pendant la première semaine de la réunion, un nouveau résultat, combinant les deux mesures, a été présenté pendant la seconde semaine. Ce résultat combiné est la mesure la plus précise à ce jour de l'asymétrie dans le système Bs, et il est en accord avec la petite valeur prédite avec précision par le Modèle standard.

Des progrès du côté des ions lourds

La collaboration ALICE est spécialisée dans les collisions entre des ions lourds tels que les noyaux de plomb, qui permettent de recréer le plasma quarks-gluons, état de la matière qui aurait existé peu après le Big Bang. ALICE a présenté son observation selon laquelle les baryons Λc (particules à trois quarks contenant des quarks c) sont produits plus souvent lors des collisions proton-proton que lors des collisions électron-positon. La collaboration a montré aussi une première mesure indiquant un taux de production de ces baryons charmés encore plus important lors des collisions plomb-plomb, phénomène semblable à celui observé pour les baryons contenant des quarks s. Ces observations indiquent que la présence de quarks dans les faisceaux entrant en collision influence le taux de production des hadrons, ce qui apporte de nouveaux éléments d'information sur les processus de CDQ à l'origine de la formation des baryons. La collaboration a présenté également la première mesure du flux triangulaire des particules J/ψ, qui contiennent des quarks lourds, dans les collisions plomb-plomb. Cette mesure montre que même les quarks lourds subissent l'influence des quarks et des gluons contenus dans le plasma, et qu'ils gardent une mémoire de la géométrie initiale de la collision. Enfin, ALICE a présenté également des mesures de jets de particules dans les collisions plomb-plomb, qui permettent de sonder le plasma quarks-gluons à différentes échelles de longueur.

Pour davantage de résultats, consultez la page web de la conférence.