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Crystal Clear, 30 ans après

La collaboration Crystal Clear fête ses 30 ans au mois d’avril, l’occasion de faire le point sur une collaboration au parcours atypique

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Crystal Clear, 30 years on
Fibres de cristaux scintillateurs développées pour de futurs détecteurs à l’Institut Lumière Matière (ILM) de Lyon, dans le cadre de la collaboration Crystal Clear. (Image: ILM, Université Claude Bernard Lyon 1)

La collaboration Crystal Clear (expérience RD18) a été créée en 1991 dans le cadre du programme de R&D organisé par le Comité de recherche et développement sur les détecteurs (DRDC) pour répondre aux formidables défis du futur LHC. L’objectif était clair : trouver les cristaux scintillateurs les mieux adaptés pour pouvoir ouvrir la porte à la découverte du boson de Higgs. Trente ans plus tard, force est de constater que la collaboration a dépassé ces attentes. Sans se contenter d’avoir contribué à l’une des plus grandes découvertes de la physique du XXIe, elle a par la suite pris part aux innovations dans le domaine des technologies médicales.

Dès ses débuts, dans un contexte de travaux de R&D à grande échelle pour le développement des détecteurs du futur LHC, la collaboration s’est attelée à l’étude de cristaux scintillateurs dont les mécanismes de scintillation restaient mystérieux. Les travaux de recherche ont abouti en 1994 à la recommandation du tungstate de plomb (PbWO4 ou PWO), un matériau combinant une densité élevée, une vitesse de scintillation rapide, une bonne résistance aux radiations à des coûts de production relativement faibles, pour la construction du calorimètre électromagnétique de CMS et du détecteur PHOS d’ALICE. La recommandation a été suivie : les deux détecteurs sont constitués de cristaux de PWO.

Le calorimètre électromagnétique a pour objectif de mesurer l’énergie des photons, des électrons et des positons. L’énergie des particules est transformée en lumière par les cristaux qu’elles traversent pour être ensuite détectée par un photodétecteur dont le signal est décortiqué pour identifier la particule originelle. C’est notamment au cœur de l’ECAL que le boson de Higgs a pu être identifié par sa désintégration en deux photons.

À partir de 1995, la collaboration Crystal Clear s’engage sur la voie des applications médicales parallèlement à ses activités de R&D sur les scintillateurs pour la physique des hautes énergies avec le développement de plusieurs tomographes à émission de positons (TEP), une modalité d’imagerie de la médecine nucléaire fondée sur la détection coïncidente par des cristaux scintillateurs de paires de photons résultant de l’annihilation entre des électrons et des positons. La collaboration développe tout d’abord les prototypes ClearPET, des caméras TEP pour le petit animal(1), puis les prototypes ClearPEM pour la détection du cancer du sein(1), et plus récemment le prototype EndoTOF-PET US pour la détection du cancer du pancréas et de la prostate.

Aujourd’hui encore, la collaboration s’efforce d’améliorer la résolution en temps de coïncidence (CTR) de ces tomographes, avec comme horizon une CTR de 10 picosecondes (elle est supérieure à 200 ps pour les caméras TEP du commerce) qui permettrait d’améliorer la qualité des images tout en réduisant la durée de l’examen ou la dose administrée au patient(2). Pour ce faire, la collaboration étudie de nouveaux concepts de détection basés entre autres sur le développement de nanomatériaux scintillateurs.

Actuellement, la collaboration Crystal Clear poursuit également son activité initiale de R&D sur les futurs détecteurs. « Les détecteurs des futurs accélérateurs feront face à des contraintes inégalées pour leurs composants. Développer des cristaux rapides et résistants aux radiations et inventer de nouvelles modalités d’utilisation sera essentiel pour concevoir les détecteurs basés sur les scintillateurs de demain », c’est le chemin qu’Étiennette Auffray, porte-parole de la collaboration, veut tracer pour le futur de Crystal Clear.

Les technologies développées pour les caméras TEP hautement résolues en temps de coïncidence, dites caméras TEP à temps de vol, ont ainsi inspiré l’insertion d’une couche de cristaux de LYSO (oxyorthosilicate de Lutétium-Yttrium) appelée « Barrel Timing Layer » dans le tonneau central de CMS, entre le trajectographe et le calorimètre électromagnétique, qui mesurera le temps de vol de chaque particule. Un calorimètre appelé « Spaghetti Calorimeter » ou « Spacal », qui est constitué d’un absorbeur et de fibres de cristaux scintillateurs, est également à l’étude dans le cadre du programme de R&D du département EP. Il pourrait remplacer la partie centrale du calorimètre électromagnétique actuel de LHCb.

La situation sanitaire ne permet malheureusement pas aux membres de la collaboration de célébrer les 30 ans de Crystal Clear, du moins pas tout de suite. Mais malgré cela, Crystal Clear, qui a toujours su se réinventer, est résolument tournée vers l’avenir qui s’annonce captivant pour le monde des cristaux scintillateurs.

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(1) Voir CERN Courier July/August 2013 p.23
(2) Paul Lecoq et al, 2020 Phys. Med. Biol. 65 21RM01