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Nouvelles du LS2 : avec SciFi, LHCb regarde vers le futur

Un nouveau trajectographe formé de fibres scintillantes va être installé dans l’expérience LHCb

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LHCb's new scintillating-fibre (SciFi) tracker
Les modules du nouveau détecteur SciFi de LHCb en cours d’assemblage sur le site de l'expérience (Image: CERN)

Pour le détecteur LHCb auprès du Grand collisionneur de hadrons, le deuxième long arrêt (LS2) du complexe d’accélérateurs du CERN est une période de métamorphose. Après deux campagnes de collecte de données fructueuses, le détecteur est amélioré afin d’affiner la précision de ses mesures de physique, dont un grand nombre sont d’ailleurs les meilleures au monde. Il y aura ainsi, après le LS2, cinq fois plus de collisions chaque fois que des paquets de protons se rencontreront dans le détecteur, et la collaboration LHCb prévoit de faire passer le taux de lecture des données de 1 Mhz à 40 Mhz, soit la fréquence d’interaction maximale du LHC (c’est-à-dire une lecture toutes les 25 nanosecondes).

En plus de remplacer presque tous les systèmes électroniques et d’acquisition de données afin de faire face à l’énorme augmentation de la production de données, LHCb remplace ses trajectographes par de nouveaux dispositifs, notamment le trajectographe à fibres scintillantes, appelé SciFi. C’est la première fois qu’un trajectographe à fibres scintillantes de cette taille, avec une granularité très fine et une résolution très élevée, est développé. Le détecteur SciFi sera placé derrière l’aimant dipôle de LHCb.

Les fibres scintillantes sont, comme leur nom l’indique, des fibres optiques – avec dans le cas présent une base de polystyrène – qui émettent des dizaines de photons, dans la longueur d’onde bleu-vert, lorsqu’une particule interagit avec elles. Des teintures de scintillateurs secondaires ont été ajoutées au polystyrène pour amplifier la lumière et la faire passer à des longueurs d’onde plus longues, de sorte qu’elle puisse atteindre des photomultiplicateurs au silicium (SiPM) spécialement conçus qui convertissent la lumière optique en signaux électriques. Cette technologie a été largement testée auprès d’autres expériences de physique des hautes énergies. Les fibres elles-mêmes sont légères, elles peuvent produire et transmettre de la lumière dans la fenêtre prévue de 25 nanosecondes, et elles démontrent une bonne résistance aux rayonnements ionisants.

Chaque fibre scintillante composant le sous-détecteur mesure 0,25 mm de diamètre et presque 2,5 m de long. Les fibres seront réunies en modules qui seront eux-mêmes placés dans trois stations au sein de LHCb, chacune étant composée de quatre « plans de détection ». Les photomultiplicateurs seront situés au-dessus et au-dessous de chaque plan. « Les fibres ont été soigneusement examinées, enroulées en rubans de plusieurs couches, assemblées de manière à former des modules de détecteurs et minutieusement testées, explique Blake Leverington, qui coordonne une partie du projet SciFi pour LHCb. Les fibres fournissent, pour les impacts uniques, une précision plus fine que 100 microns, et l’efficacité pour chaque impact dans la zone du détecteur est de plus de 99 %. » Au total, LHCb sera équipé de plus de 10 000 km de fibres scintillantes fabriquées avec précision.

Contrairement aux autres détecteurs du LHC, LHCb a une conception asymétrique, et étudie des particules qui, après avoir été produites lors des collisions proton-proton, se déplacent très près du tube de faisceau. Faire fonctionner un détecteur sensible à une telle proximité des tubes de faisceau apporte cependant son lot de problèmes ; les simulations montrent que les dommages dus au rayonnement issu des débris des collisions assombriraient les fibres les plus proches du tube de faisceau, à un niveau allant jusqu’à 40 % pour la durée de vie de LHCb. La transmission à travers les fibres de la lumière produite deviendrait alors plus difficile, mais le détecteur devrait néanmoins rester efficace.

Les photomultiplicateurs situés au-dessus et au-dessous de chaque plan de détection de SciFi seront bombardés par les neutrons issus des calorimètres situés plus en aval. Les dommages causés par ces rayonnements entraînent du « bruit sombre », phénomène dans lequel les électrons soumis à une excitation thermique font produire aux photomultiplicateurs au silicium un signal qui imite celui issu des photons individuels. Par conséquent, en plus du blindage situé entre le détecteur SciFi et les calorimètres, un système de refroidissement complexe a été développé pour refroidir les photomultiplicateurs au silicium. « Les mesures ont montré que le taux de bruit sombre peut être réduit d’un facteur deux pour chaque baisse de 10 °C de la température », souligne Blake Leverington. Les photomultiplicateurs au silicium ont été montés sur des barres froides de titane spécialement prévues, imprimées en 3D, qui sont refroidies à −40 °C.

« Le projet a bénéficié des contributions de plus d’une centaine de physiciens, étudiants, ingénieurs et techniciens de 17 instituts partenaires dans dix pays, poursuit Blake Leverington. Nous avons travaillé ensemble pendant sept ans pour permettre à SciFi de voir le jour. » Actuellement, les modules, les systèmes de services et l’électronique de SciFi sont en cours d’assemblage et d’installation dans les 12 cadres mécaniques placés dans le hall d’assemblage, sur le site de LHCb, au point 8 de l’anneau du LHC. Il est prévu que les premiers composants de SciFi soient installés au printemps de l’année prochaine.