Le Gigatracker de NA62 est un bijou de technologie : son capteur, qui enregistre l'instant du passage des particules avec une résolution temporelle inférieure à 200 picosecondes (une précision supérieure à celle des détecteurs du LHC du même type), possède un système de refroidissement précurseur peut-être d'une toute nouvelle technique de détection.
Le Gigatracker de NA62 (GTK) est composé de trois détecteurs à pixels au silicium d’une conception totalement inédite et dont le rôle consiste à mesurer l’instant et la position d’arrivée des particules du faisceau incident. Placés au cœur du détecteur NA62, les capteurs au silicium sont refroidis (jusqu'à -20 degrés Celsius environ) par un dispositif microfluidique en silicium. « Le système de refroidissement est nécessaire pour évacuer la chaleur produite par les puces de lecture auxquelles le capteur au silicium est soudé, explique Alessandro Mapelli, ingénieur microsystèmes du département Physique. Pour le Gigatracker de NA62, nous avons conçu une plaque de refroidissement sur laquelle sont soudés à la fois le capteur au silicium et les puces de lecture. »
Dans cette plaque en silicium extrêmement fine sont gravés 150 microcanaux dans lesquels circule un fluide de refroidissement qui maintient le système tout entier à sa température de fonctionnement. Chaque microcanal n’a que 70 µm de profondeur et la plaque en silicium est à peine plus épaisse. Ce système de refroidissement peut donc être utilisé dans les trajectographes au silicium. En effet, comme le matériau que les particules doivent traverser a été réduit au minimum, il a beaucoup moins d'influence sur leur trajectoire que les méthodes de refroidissement traditionnelles. En outre, la température basse et stable protège le détecteur des dommages liés aux rayonnements, augmentant ainsi sa durée de vie dans cet environnement extrême.
Dans le Gigatracker de NA62, les capteurs, l'électronique de lecture et les plaques de refroidissement sont tous constitués de silicium. Pour les scientifiques, l'étape suivante consistera à intégrer les trois éléments en un seul dispositif. « C’est ce que nous appelons un 'dispositif monolitique', explique Alessandro Mapelli. Lors d'expériences en physique des particules, il est très important de réduire la quantité de matériau utilisé dans les détecteurs de haute précision. Un dispositif unique qui contiendrait la couche de détection, l'électronique et les services, tels que le système de refroidissement, pourrait être très compact et très mince. Il serait aussi moins fragile que les systèmes actuels parce qu'il exigerait moins de manipulations. Enfin, il serait plus efficace car la distance entre la source de chaleur, c'est-à-dire la puce de lecture, et le fluide de refroidissement serait réduite. »
Des experts au département Physique du CERN travaillent au développement de cette technologie destinée aux détecteurs de physique des hautes énergies, mais pas seulement. En effet, celle-ci pourrait être utilisée également en informatique haute densité, en imagerie médicale et, de façon plus générale, dans des disciplines exigeant des images d’une résolution temporelle inférieure à la nanoseconde.