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NA61/SHINE au renfort pour les expériences neutrino

Comment les mesures de l'expérience NA61/SHINE au CERN aident des expériences neutrino aux États-Unis et au Japon

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Inside the NA61 Detector
À l'intérieur de l'expérience NA61, au CERN (Image: CERN)

De toutes les particules connues qui ont une masse, les neutrinos sont les plus légères. L’étude de leur comportement lorsqu'elles se déplacent pourrait aider à résoudre l'une des plus grandes énigmes de la physique : pourquoi l'Univers actuel est constitué principalement de matière alors que le Big Bang devrait avoir produit matière et antimatière en quantités égales. Dans deux articles récents, la collaboration NA61/SHINE rend compte de mesures cruciales pour les expériences qui étudient ce comportement des neutrinos au moyen d’accélérateurs.

Il existe trois types ou « saveurs » de neutrinos, et les expériences consacrées à leur étude mesurent de plus en plus précisément comment ceux-ci et leurs équivalents dans l'antimatière, les antineutrinos, « oscillent » d'une saveur à une autre lorsqu'ils se déplacent. S'il devait se révéler que les neutrinos et les antineutrinos oscillent de manières différentes, cette différence pourrait expliquer en partie le déséquilibre actuel entre matière et antimatière dans l'Univers.

Les expériences neutrino utilisant des accélérateurs cherchent à observer les oscillations des neutrinos en produisant un faisceau de neutrinos d'une certaine saveur, et en mesurant ce faisceau une fois qu'il a parcouru une longue distance. Les faisceaux de neutrinos sont habituellement obtenus en envoyant un faisceau de protons de haute énergie sur des cibles de carbone ou de béryllium longues et fines. Les interactions entre les protons et les cibles produisent des hadrons, par exemple des pions et des kaons, qui sont alors focalisés au moyen de cornes magnétiques en aluminium et dirigés vers de longs tunnels, dans lesquels ils se transforment en neutrinos et en d'autres particules.

Pour mesurer fiablement les oscillations des neutrinos, les chercheurs travaillant sur ces expériences doivent estimer le nombre de neutrinos contenus dans le faisceau avant l'oscillation et la mesure dans laquelle ce nombre varie en fonction de l'énergie des particules. Cette estimation du « flux de neutrinos » est difficile à réaliser car les neutrinos interagissent très faiblement avec les autres particules et ne peuvent pas être détectés facilement. Pour contourner cette difficulté, les chercheurs estiment donc plutôt le nombre de hadrons. Mais mesurer le nombre de hadrons est difficile aussi car ceux-ci sont trop nombreux pour que la mesure soit précise.

C'est là qu'entrent en jeu des expériences telles que NA61/SHINE auprès du Supersynchrotron à protons du CERN. L'expérience NA61/SHINE est capable de reproduire les interactions entre les protons et les cibles ayant créé les hadrons qui se transforment ensuite en neutrinos. Elle peut également reproduire les interactions qui ont lieu ensuite pour les protons et les autres hadrons dans les cibles et les cornes de focalisation. Ces dernières interactions peuvent produire de nouveaux hadrons, qui à leur tour engendrent  des neutrinos.

La collaboration NA61/SHINE a précédemment mesuré des hadrons créés dans des expériences utilisant des protons d'une énergie de 31 GeV/c (c étant la vitesse de la lumière) pour aider à prédire le flux de neutrinos dans l'expérience sur l'oscillation des neutrinos T2K (Tokai-to-Kamioka), au Japon. La collaboration a également recueilli des données à des énergies de 60 et 120 GeV/c  au profit des expériences MINERνA, NOνA et DUNE du Fermilab (États-Unis). L'analyse de ces données progresse bien et elle a tout récemment été à l'origine de deux articles : l'un décrivant des mesures des interactions de protons avec du carbone, du béryllium et de l'aluminium, et l’autre rapportant des mesures des interactions de pions avec du carbone et du bérylium.

« Ces résultats sont cruciaux pour les expériences neutrino du Fermilab, explique Laura Fields, membre de la collaboration NA61/SHINE et co-porte-parole de MINERvA. Pour prédire les flux de neutrinos pour ces expériences, les scientifiques ont besoin de simulations extrêmement détaillées de l'intégralité de la ligne de faisceau et de toutes les interactions qui y ont lieu. Pour ce faire, nous avons besoin de connaître la probabilité que chaque type d'interaction se produise, les particules qui seront produites, et leurs propriétés. Les mesures d'interactions telles que les dernières réalisées seront donc essentielles pour rendre ces simulations beaucoup plus précises. »

« Dans l'avenir, NA61/SHINE se concentrera sur des mesures destinées à la prochaine génération d'expériences sur les oscillations des neutrinos, notamment DUNE aux États-Unis et T2HK au Japon, pour permettre à ces expériences de produire des résultats d'une grande précision en physique des neutrinos », conclut-elle.

Pour en savoir plus, lisez cet article dans la lettre d'information du département EP.