Alors que la période d’arrêt de deux ans des accélérateurs du CERN arrive à son terme, plusieurs des expériences du Laboratoire recommencent à collecter des données sans attendre le réveil du Grand collisionneur de hadrons (LHC). Le Synchrotron à protons (PS), l'accélérateur de particules du CERN construit il y a plus de 60 ans, et son injecteur, le Booster du PS, redémarrent sur les chapeaux de roue après une révision complète. Le Booster a commencé à fournir des faisceaux de protons de 2 GeV à ISOLDE (Isotope mass Separator On-Line Detector) et au Synchrotron à protons, qui alimente à son tour en particules accélérées le Décélérateur d'antiprotons (AD), connu également sous le nom d'« Usine à antimatière ». Cela ne peut signifier qu'une seule chose pour les nombreuses expériences menées auprès de ces deux installations de premier plan : la physique est sur le point de reprendre, avec la promesse de nouveaux résultats intéressants pour la recherche nucléaire et la recherche sur l'antimatière.
« Après avoir optimisé l'expérience, nous avons commencé à collecter des données de physique dès que le premier faisceau de protons a atteint la cible de l'installation ISOLDE, le 21 juin ; la première expérience s'est achevée avec succès en seulement cinq jours », explique Gerda Neyens, à la tête du groupe Physique à ISOLDE. Les faisceaux de protons provenant du Booster qui entrent en collision avec les cibles épaisses d'ISOLDE produisent des isotopes radioactifs rares de divers éléments du tableau périodique ; certains d'entre eux sont ensuite sélectionnés grâce à une combinaison de lasers et de champs électriques et magnétiques. Les premiers résultats d'ISOLDE de la saison viennent de l'expérience CRIS sous la forme de spectres hyperfins d'une série d'isotopes d'argent synthétisés au sein de l'installation. Le spectre atomique de plus de 20 isotopes exotiques d'argent à courte durée de vie révélera comment la structure quantique interne, la taille et la forme des isotopes stables 107Ag et 109Ag changent lorsque des neutrons leur sont ajoutés ou retirés.
Pour la campagne de physique à venir, ISOLDE s'appuiera sur de nouveaux postes de cible pour produire des radioisotopes, ainsi que sur un élévateur d’état de charge amélioré (dispositif qui arrache des électrons aux isotopes lourds), et un accélérateur linéaire supraconducteur rénové pour accélérer les radioisotopes produits. Il sera ainsi possible d'étudier avec une plus grande précision les réactions nucléaires se produisant au sein de l'installation, lesquelles imitent et aident à comprendre celles survenant à l'intérieur des étoiles.
Située à une dizaine de mètres d'ISOLDE, l'Usine à antimatière utilise également les faisceaux du Synchrotron à protons pour créer, cette fois, des particules d'antimatière. Dans cette usine, unique dans son genre, des antiprotons sont synthétisés en projetant des faisceaux de protons sur une cible. Les particules qui se sont échappées sont ensuite concentrées à nouveau en un faisceau à l'aide d'un appareil appelé « corne magnétique », qui a été entièrement rénové ces dernières années, tout comme l’a été la cible. La nouvelle cible est constituée d'un morceau d'iridium refroidi par air placé dans une matrice en graphite, protégée par une double coque en alliage de titane. Elle contribuera à améliorer la production d'antiprotons, qui deviendra plus fiable et stable au fil du temps.
Les nouvelles machines comme ELENA (Extra Low Energy Antiproton deceleration ring), un anneau qui ralentit efficacement les antiprotons à des niveaux d'énergie sans précédent avant de les injecter dans les zones d'expérimentation, ont donné un nouvel élan à la période d’acquisition de données qui attend à présent les spécialistes de l'antimatière. ELENA alimente en faisceaux d'antiprotons des collaborations de longue date comme AEGIS, ASACUSA et ALPHA, mais également des expériences plus récentes telles que ALPHA-G et GBAR, une expérience visant à mesurer l'accélération en chute libre de l'antimatière sous l'effet de la gravité, ainsi que, prochainement, les collaborations PUMA et BASE-STEP, qui ont récemment reçu l'aval de la Commission de la recherche du CERN. Ces deux expériences consistent à transporter de l’antimatière vers d'autres installations du CERN, une opération délicate, pour étudier ses propriétés.
La diversité, qui est une caractéristique essentielle du CERN, s'applique également au programme de recherche de l'Organisation. S'il faudra attendre encore quelques mois pour que le LHC et ses détecteurs reprennent leurs activités, les autres installations ne sont pas en reste : avec la collecte de données sur l'antimatière et les isotopes nucléaires, et la prochaine reprise de la saison de physique dans les zones d'expérimentation Est et Nord, ainsi qu'à n TOF, les prochains mois s’annoncent hauts en couleur pour la recherche en physique.
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