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Amélioration d'ALICE : le menu des deux années à venir

D'importantes améliorations auront lieu à l'intérieur du détecteur ALICE pendant le deuxième long arrêt (LS2) des installations du CERN

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Magnet door opening - ALICE point2
L'équipe d'ALICE est prête à relever le défi de l'amélioration du détecteur. (Image: Maximilien Brice, Julien Ordan/CERN)

Avec ses grandes portes rouges qui pèsent 350 tonnes chacune, le détecteur ALICE demande plus qu'un « sésame, ouvre-toi! » pour s'ouvrir. Derrière ces portes se cachent les mécanismes internes d'un détecteur unique en son genre, construit pour étudier les conditions de la matière quelques instants après la naissance de l'Univers, qui sont recréées dans le LHC.

Lorsque le complexe d'accélérateurs du CERN a été arrêté, en décembre 2018, les scientifiques et les techniciens ont pénétré dans la caverne d'ALICE, à 56 mètres sous terre, afin d'ouvrir l'immense blindage de l'aimant et de commencer à travailler sur le détecteur. Ces travaux de maintenance et d'amélioration dureront deux ans, laps de temps prévu par le CERN pour un arrêt technique, appelé deuxième long arrêt (LS2). Pour ALICE, les activités qui auront lieu pendant le LS2 ont débuté à un rythme soutenu, car un programme complet d'améliorations et de remplacements de sous-détecteurs et de systèmes de déclenchement et d'acquisition de données est prévu.

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Les portes de l'aimant de l'expérience ALICE, qui mesurent 16 mètres de haut et pèsent 350 tonnes chacune, sont à présent ouvertes ; les scientifiques et techniciens peuvent ainsi travailler à l'amélioration du détecteur. (Image : Julien Ordan/CERN)

ALICE est consacrée à l'étude du plasma quarks-gluons, état de la matière qui prévalait pendant les premiers instants de l'Univers. En observant les collisions entre les particules (protons et noyaux de plomb) qui se produisent à l'intérieur du Grand collisionneur de hadrons (LHC), ALICE peut enregistrer des données à la frontière des hautes énergies.

Avec l'augmentation de la luminosité, d'abord en 2021 puis plus tard avec le projet LHC à haute luminosité (HL-LHC), une multitude de perspectives et de défis se feront jour pour ALICE. Une luminosité plus importante (la luminosité étant une mesure du nombre de collisions par unité de temps) permettra à ALICE d'étudier des phénomènes rares et de réaliser des mesures de haute précision, et de faire ainsi la lumière sur la thermodynamique, l'évolution et le flux du plasma quarks-gluons, ainsi que sur les interactions entre les quarks et les gluons.

Partir sur la bonne piste, dès le début

Cette représentation du détecteur ALICE montre certaines des activités de maintenance et d'amélioration prévues pour les deux années à venir.
Cette représentation du détecteur ALICE montre certaines des activités de maintenance et d'amélioration prévues pour les deux années à venir.

Pendant ces travaux, un tube de faisceau d'un diamètre plus petit sera installé pour remplacer le tube de faisceau actuel d'ALICE. À l'intérieur de ce tube, les particules se déplacent à une vitesse proche de celle de la lumière, et elles entrent en collision les unes avec les autres au cœur du détecteur, créant ainsi une multitude de nouvelles particules. Il est intéressant pour les scientifiques de pouvoir déterminer la position du point d'interaction ; or réduire le diamètre du tube de faisceau améliorera la précision de cette mesure d'un facteur trois par rapport à la précision possible avec le détecteur actuel. ALICE sera en outre capable de mieux détecter les particules ayant une durée de vie plus courte, c'est-à-dire celles qui se désintègrent plus près du point d'interaction.

La nécessité d'un nouveau tube de faisceau est liée au remplacement du système de trajectographie interne (ITS) qui entoure le tube de faisceau. Le nouveau système de trajectographie interne sera équipé de puces de capteurs à pixels compactes et innovantes. Ce système de trajectographie mesure les propriétés des particules créées lors des collisions ; il doit donc fonctionner rapidement et avoir une granularité fine afin de soutenir un rythme plus soutenu de collisions. Le nouveau système améliorera drastiquement la capacité du détecteur à localiser et reconstituer les trajectoires des particules. 

Les puces des capteurs et de lecture, qui sont intégrées dans une même pièce de silicium dans le nouveau système de trajectographie interne, seront également utilisées dans le trajectographe aux petits angles pour les muons (MFT), lequel traque les muons à proximité du tube de faisceau. Ces dispositifs promettent une excellente résolution spatiale ; ainsi, en plus de devenir plus sensible pour plusieurs mesures, ALICE sera également en mesure d'en réaliser de nouvelles, actuellement hors de portée.

Une amélioration majeure de la chambre à projection temporelle (TPC) d'ALICE, un cylindre de 88 m3 rempli de gaz et équipé de détecteurs pour la lecture du signal qui suivent les trajectoires des particules en trois dimensions, est également en cours. Les particules chargées qui s'échappent du point de collision ionisent le gaz le long de leur trajectoire, libérant ainsi des nuages d'électrons qui dérivent vers les plaques situées aux extrémités du cylindre. Cela crée un signal, qui est alors amplifié et enregistré. Le système de lecture actuel, basé sur la technologie de la chambre proportionnelle multifils, ne sera pas capable de faire face aux taux d'interaction plus élevés à venir, et il sera donc remplacé par des chambres à multiplicateur d'électrons dans du gaz (GEM) à phases multiples. Cette amélioration augmentera le rythme de lecture du détecteur d'environ deux ordres de grandeur. 

En outre, un nouveau détecteur couplé à un déclencheur à interaction rapide (FIT) détectera les particules qui se déplacent à de petits angles par rapport à la ligne de faisceau, et remplacera trois détecteurs actuellement utilisés pour le déclenchement. Ce nouveau dispositif permettra d’éliminer les signaux indésirables, y compris les interactions du faisceau avec du gaz résiduel dans le tube de faisceau. 

Un gain d'un facteur 100 pour les statistiques 

En conséquence de l'augmentation de la luminosité et du taux d'interaction dans le LHC, un volume de données considérablement plus important devra être traité et sélectionné. C'est pourquoi des systèmes électroniques, de traitement des données et de calcul plus puissants, qui doivent supporter une performance et un débit élevés, ont été conçus. La collaboration ALICE installe en ce moment un nouveau centre de données en surface, afin d'améliorer la capacité de calcul à disposition. Lorsque le LHC redémarrera après avoir fait peau neuve, en 2021, le détecteur, qui aura été considérablement amélioré, permettra de réaliser un gain d'un facteur 100 en matière de statistiques.

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Le travail a commencé sur les sous-détecteurs internes de l'expérience ALICE en vue de l'installation de nouveaux équipements. (Image : Maximilien Brice/Julien Ordan/CERN)

Les portes des aimants d'ALICE, qui doivent se refermer pendant l'été 2020, dissimuleront dès lors un dispositif encore plus puissant, prêt à se lancer vers davantage de collisions et davantage de prise de données.

Faites un d'ALICE à 360°. (Vidéo : CERN)

Pour en savoir plus, lisez l'article « ALICE revitalised » dans le dernier numéro du Courrier CERN (en anglais), et les nouvelles d'ATLAS, de CMS et de LHCb.


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